Un jour de Novembre...

Piqûre de rappel …Le 1er novembre 1925 naît à Njissé (Foumban)  Félix Roland Moumié,nationaliste,membre de l'Internationale révolutionnaire,Président de l'Union des Populations du Cameroun.

Il est assassiné le 3 novembre 1960 à Genève en Suisse,parce qu'il voulait un Cameroun libre, par un espion français, William Bechtel, 66 ans,officier réserviste du SDECE, le contre-espionnage français (aujourd’hui DGSE), qui s’est porté volontaire pour approcher Moumié, et l’empoisonner au thallium, un poison insipide, indolore, et à effet assez lent. 

Il avait 35 ans.

De 1935 à 1938, il fréquente à l'Ecole Protestante de Njissé. En 1939, il s'inscrit au CMI à l'Ecole publique de Bafoussam et l'année suivante, au CMII à l'Ecole Régionale de Dschang, où il obtient facilement le Certificat d'Etudes Primaires.

En 1941, il est admis au concours d'entrée à l'Ecole Supérieure Edouard Renard de Brazzaville. 

Classé parmi les meilleurs élèves de sa génération, il est autorisé à poursuivre des études de médecine à l'Ecole Professionnelle William Ponty à Dakar, en 1945. 

En 1946, à Dakar, Moumié se distingue de ses autres camarades par son engagement fougueux dans la contestation estudiantine. Il est de toutes les grèves.

Son professeur, Gabriel Darbousier, qui l'a remarqué et adopté l'a orienté vers les cercles d'études marxistes de la capitale de l'AOF,et,le recommande à Um Nyobé. 

A son retour au Cameroun en 1947, Félix Roland Moumié s’établit comme chirurgien.

Il est affecté successivement à Lolodorf, (1947-1948), BétaréOya (1950), Mora, (1951), Maroua (1952) et Douala (1954). 

Il laisse le souvenir d'un chirurgien dévoué, consciencieux, compétent et généreux.

Par la suite,il est contacté par l’indépendantiste Ruben Um Nyobe pour faire partie de l’Union du peuple camerounais,et les deux hommes se rencontrent à Kribi en 1948,parlent pendant des heures et s'entendent rapidement sur tous les points.

L'UPC est surveillée de près par le pouvoir colonial qui va réprimer dans le sang une manifestation indépendantiste pacifique, le 25 mai 1955.

La répression, dure 5 jours,et occasionne 5000 morts.

Moumié est l'objet d'une surveillance constante, ses faits et gestes sont épiés au quotidien.

L’UPC étant interdite par l’autorité coloniale, Moumié se réfugie au Cameroun britannique, puis en Égypte, en Guinée et au Ghana.

En 1958,De Gaulle au pouvoir,et son conseiller pour les Affaires africaines, Jacques Foccart,décident d’éliminer physiquement Félix Moumié.

De passage à Genève, en octobre 1960, Moumié, qui séjourne à l’hôtel Rex, est contacté par un journaliste pour une interview. 

Moumié est en confiance car ils se sont rencontrés un an plus tôt à Accra. 

Un rendez-vous est fixé à l’hôtel du Plat d’argent le 15 octobre.

Le journaliste, William Bechtel,officier réserviste du SDECE dispose de deux doses mortelles de poison et réussit à empoisonner son verre d’anisette. 

Mais Moumié ne boit pas. 

Bechtel propose alors de dîner. 

Moumié accepte. 

Bechtel vide la deuxième dose dans le verre de vin de Moumié qui ne boit toujours pas. 

Mais à la fin du repas, Moumié avale les deux verres.

Conséquence, l’effet du thallium va être plus rapide que prévu. 

Félix Moumié censé mourir à Accra, au Ghana, où il devait se rendre depuis Genève,ressentira les premiers symptômes dans la nuit et sera conduit à l’hôpital le lendemain soir où il tombera dans le coma avant de mourir le 3 novembre.

Bechtel, qui avait eu l’imprudence de s’inscrire à l’hôtel sous son vrai nom, sera soupçonné par les autorités suisses et un mandat d’arrêt international sera délivré contre lui. L’agent secret sera arrêté en 1975 et extradé vers la Suisse; mais l’affaire sera finalement arrangée et aboutira à un non-lieu faute de preuves.

Marthe Ekemeyong Moumié,la veuve de Félix Moumié, qui s’était battue depuis 1960 pour la mémoire de son mari, a été violée et étranglée en janvier 2009. 

Elle avait 78 ans.

Son assassin présumé, Franck Eboutou Minla’a, a été condamné à mort par un tribunal camerounais en mai 2013.


Piqûre de rappel …Le 3 novembre 1944, à Morlaix, 2000 tirailleurs sénégalais doivent embarquer pour le Sénégal mais 300 d'entre eux refusent de monter à bord du Circassia tant qu'ils n'ont pas perçu leur solde et sont envoyés à Trévé dans les Côtes d'Armor. 

À l'escale de Casablanca, 400 hommes refusent de poursuivre le voyage et c'est donc 1280 tirailleurs sénégalais qui débarquent à Dakar le 21 novembre 1944 pour être immédiatement transportés à la caserne de Thiaroye.

Ils n'avaient perçu qu'1/4 de leur solde et réclamaient leurs justes droits d'anciens prisonniers de guerre. 

Il faut ausi mentionner le pécule ou livret du prisonnier. 

La législation de l’époque accorde aux prisonniers de guerre français une rétribution symbolique d’un franc par jour jusqu’en juin 1943, puis de 4 francs jusqu’à la Libération, soit une solde maximale et dérisoire de 2 758 francs. 

Ce pécule devait également être attribué aux originaires des colonies, ce que refuseront le gouverneur général Cournarie et le général de Boisboissel.

Les tirailleurs sénégalais sont un corps de militaires constitué au sein de l’Empire colonial français en 1857.

Ils sont recrutés dans toute l’Afrique. 

Le 1er avril 1940 le nombre total des tirailleurs sénégalais mobilisés est estimé à 179 000 selon le ministère français de la Défense, dont 40 000 engagés dans les combats en métropole. Près de 17 000 ont été tués ou blessés au combat ou ont disparu durant l'année suivante.

L'historien américain Raffael Scheck ,professeur au Colby College , qui a enquêté dans les archives militaires françaises et allemandes, estime qu'au total près de 3 000 tirailleurs sénégalais auraient été exécutés par la Wehrmacht en mai-juin 1940,des crimes de guerre perpétrés non pas par des SS, mais par l'armée régulière allemande.

Pour rappel,le 19 juin, les Allemands sont aux portes de Lyon et le 25e régiment de tirailleurs sénégalais est envoyé dans un « combat pour l'honneur » avec pour ordre :

« En cas d'attaque, tenir tous les points d'appui sans esprit de recul, même débordé. »

Une bataille annoncée sans retour pour la plupart des 1 800 Africains. En deux jours, il y aura plus de 1 300 tués dans leurs rangs. Certains tirailleurs, faits prisonniers et même blessés, sont séparés du reste de la troupe, puis massacrés à découvert à la mitrailleuse et achevés sous les chenilles de chars d'une unité SS.

Au lendemain de la défaite de juin 1940, près de 70 000 soldats indigènes faits prisonniers par les Allemands, au lieu d'être envoyés dans les stalags en Allemagne, ont été regroupés en France occupée dans 22 Frontstalags où ils ont été soumis à des conditions de détention extrêmement difficiles.

Après l'Appel du 18 juin 1940, les unités de tirailleurs sénégalais qui se trouvaient en Afrique équatoriale française se sont ralliées à la France libre et ont combattu à Koufra, Bir-Hakeim, El-Alamein.

Après la Seconde Guerre mondiale,les tirailleurs interviennent encore en Indochine (1945-1954), à Madagascar (1947) et en Algérie (1954-1962).

Les régiments de tirailleurs sénégalais sont transformés en régiments d’infanterie de marine en 1958 avant d’être définitivement supprimés entre 1960 et 1962.

Dans la foulée,en 1959 puis en 1960, le Parlement français a adopté un dispositif dit de « cristallisation »,prévoyant le gel de la dette contractée par l’Empire français et qui échoit à la seule métropole, par blocage de la valeur des points de pension à la valeur atteinte lors de l’accession à l’indépendance des pays, dont les anciens tirailleurs étaient ressortissants.

La cristallisation concerne :

- la retraite du combattant pour ceux qui sont titulaires de la carte du combattant et âgés de plus de 65 ans ;

- la pension militaire d’invalidité pour ceux qui ont été blessés au combat ou en service ;

- la pension militaire de retraite pour ceux dont les services ont atteint une durée déterminée en fonction de leur statut ;

- la pension de réversion aux veuves.

En 1980, près de 700 anciens combattants ont porté plainte et obtenu gain de cause contre la France devant la Commission des droits de l'homme de l'ONU pour discrimination raciale.

Le 30 novembre 2001, le Conseil d’État, dans son arrêt Diop, juge que le fait de verser des prestations 

« cristallisées » aux anciens combattants et aux anciens fonctionnaires civils ou militaires viole la Convention européenne des droits de l’Homme et constitue une discrimination illégale.

En conséquence, le Conseil d'État a rendu un arrêt condamnant la France à verser au plaignant, un tirailleur sénégalais, Amadou Diop, une pension établie au même taux que celui en vigueur pour les Français et à lui payer les arriérés dus.

En 2005, Tahar Saïm, ancien militaire algérien vivant à Oran avec 76 euros par mois, a obtenu du tribunal administratif de Poitiers la revalorisation complète de sa pension.

Malheureusement, Amadou Diop et Tahar Saïm, à l'instar d'autres anciens combattants, sont morts avant d'avoir pu bénéficier de cette décision des tribunaux.

En 2002, le montant de l’ensemble des pensions et retraites reçoit un indice correcteur lié au pouvoir d’achat de chaque pays tel que défini par l’Onu. Les pensions et retraites des anciens tirailleurs sont alors réévaluées de 20%.

Mais il faudra attendre le conseil des ministres du 26 septembre 2006 pour l'annonce de la décristallisation totale des prestations dites «du feu», c’est-à-dire des retraites du combattant et des pensions militaires d’invalidité.Après presque 50 ans de contentieux,le Parlement français a finalement voté le 15 novembre 2006 la revalorisation des pensions des soldats des ex-colonies dans le cadre du budget 2007 des anciens combattants. 

84 000 anciens combattants coloniaux de 23 nationalités devaient en bénéficier.

La question de la récupération des sommes non perçues depuis la cristallisation n’est pas envisagée. 


Piqûre de rappel …Le 4 novembre 1828, un navire négrier débarque,au François en Martinique, 395 esclaves vendus publiquement sur l’Habitation Hardy.

La propriété Hardy a été achetée en 1800. Il s'agit d'une très ancienne distillerie où fut installée la première machine à vapeur en 1880, et qui appartient à la famille Hardy depuis 1905. 

La distillerie Hardy fut fondée en 1830 par Emilien Bonneville. 

Suite au mariage d’une de ses filles, l’exploitation fut achetée par son époux Gaston Hardy en 1905. 

L'Habitation Tartane qui aurait été appelée au moins jusqu'en 1820 Habitation "la grâce" fut acquise en 1800 par la famille Hardy (originaire de Normandie et arrivée à la limite du 17e siècle 18e siècle à la Martinique) qui y installa une distillerie à partir de 1830.

Si de nos jours la distillation se fait désormais à l’usine Saint-James à Sainte-Marie, la recette originale du rhum Hardy est officiellement respectée. 

Produit en faible volume annuel de 120 000 litres et distribué uniquement à la Martinique, le rhum Hardy est toujours tenu par le dernier des héritiers de la famille Hardy de Tartane : Jean-Claude Hardy.

Jean-Claude Hardy qui a déclaré à propos du mariage entre une femme de couleur et un béké : " c'est l'erreur à ne pas commettre,pourquoi serions-nous obligés de nous mélanger?"

Une phrase prêtée aux békés dit :" Un noir peut être un frère mais en aucun cas un beau-frère" 

Les Békés de la Martinique (qui préfèrent se désigner entre eux comme « blancs créoles ») forment un groupe très fermé d’environ 3000 descendants d’esclavagistes de l’île pratiquant généralement l’endogamie (ou évitant les mariages avec les descendants d’esclaves) et dominant très largement l’économie de la Martinique et de la Guadeloupe.


Piqûre de rappel …Le 5 novembre 1887 naît René Maran,Premier auteur noir à recevoir le prix Goncourt le 14 décembre 1921, à 34 ans,pour son roman "Batouala". 

Il voit le jour sur le bateau qui mène ses parents guyanais à la Martinique et sa naissance est déclarée à Fort-de-France, le 22 novembre 1887. 

Ses parents, partis au Gabon où son père occupait un poste administratif colonial, le mettent en pension, dès l'âge de sept ans, au Lycée de Talence, puis au Lycée Michel de Montaigne de Bordeaux. Il y rencontre Félix Éboué.

René Maran débute en littérature en 1909 dans la revue lilloise de Léon Bocquet:Le Beffroi,il publie un premier recueil de poèmes, "La Maison du bonheur". 

Il quitte Bordeaux en 1910, après des études de droit, et devient administrateur d'outre-mer en Oubangui-Chari,l’actuelle Centrafrique,en 1912. 

Son séjour en Afrique centrale est une révélation et la source d'inspiration de son roman "Batouala" qui décrit la vie d'un village africain du point de vue du chef traditionnel.

Dans la préface de ce roman, René Maran dénonce certains aspects de la colonisation,les rapports conflictuels entre blancs et noirs, notamment le poids du racisme imposé par les institutions coloniales et accuse la civilisation européenne de « bâtir son royaume sur des cadavres ». 

Le scandale ne tarde pas à éclater,l’administration coloniale l’oblige à démissionner et interdit la diffusion de son livre en Afrique. 

Il donne sa démission,s’installe à Paris et se consacre à l’écriture.

Avec "Batouala" René Maran devient le Premier auteur noir à recevoir le prix Goncourt le 14 décembre 1921, à 34 ans.

Au cinquième tour de scrutin ne restaient plus en lice que "L’Épithalame" de Jacques Chardonne et "Batouala".

Avec cinq voix contre cinq les deux romans étaient à égalité. Le second l’a emporté grâce à la voix prépondérante du président Gustave Geoffroy. 

Le livre lui vaut d'être considéré comme le précurseur de la littérature de la négritude,même si l’auteur a pris ses distances avec ce mouvement mené par Senghor et Césaire.

Il croise Césaire et Damas à Clamart chez Paulette Nardal mais n’a jamais souhaité se référer à la notion de négritude qu’il jugeait raciste et de nature à entretenir le racisme.

René Maran rejetait les thèses de la négritude tout en insistant sur l’apport de plus en plus considérable de l’art nègre,présenté à cette époque comme du folklore,de l’exotisme.

 

Extrait de la préface de "Batouala" :

Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d’innocents, Rabindranath Tagore, le poète hindou, un jour, à Tokyo, a dit ce que tu étais !

Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. Quoi que tu veuilles, quoi que tu fasses, tu te meus dans le mensonge. À ta vue, les larmes de sourdre et la douleur de crier. Tu es la force qui prime le droit. Tu n’es pas un flambeau, mais un incendie. 

Tout ce à quoi tu touches, tu le consumes.

Honneur du pays qui m’a tout donné, mes frères de France, écrivains de tous les partis ; vous qui, souvent, disputez d’un rien, et vous déchirez à plaisir, et vous réconciliez tout à coup, chaque fois qu’il s’agit de combattre pour une idée juste et noble, je vous appelle au secours, car j’ai foi en votre générosité. 

Mon livre n’est pas de polémique. Il vient, par hasard, à son heure. La question « nègre » est actuelle. Mais qui a voulu qu’il en fût ainsi ? Mais les Américains. Mais les campagnes des journaux d’outre-Rhin. […]

Mes frères en esprit, écrivains de France […]. Que votre voix s’élève ! Il faut que vous aidiez ceux qui disent les choses telles qu’elles sont, non pas telles qu’on voudrait qu’elles fussent. Et plus tard, lorsqu’on aura nettoyé les suburres coloniales, je vous peindrai quelques-uns de ces types que j’ai déjà croqués, mais que je conserve, un temps encore, en mes cahiers. Je vous dirai qu’en certaines régions, de malheureux nègres ont été obligés de vendre leurs femmes à un prix variant de vingt-cinq à soixante-quinze francs pièce pour payer leur impôt de capitation. Je vous dirai… Mais, alors, je parlerai en mon nom et non pas au nom d’un autre ; ce seront mes idées que j’exposerai et non pas celles d’un autre. Et, d’avance, des Européens que je viserai, je les sais si lâches que je suis sûr que pas un n’osera me donner le plus léger démenti. Car, la large vie coloniale, si l’on pouvait savoir de quelle quotidienne bassesse elle est faite, on en parlerait moins, on n’en parlerait plus. Elle avilit peu à peu. Rares sont, même parmi les fonctionnaires, les coloniaux qui cultivent leur esprit. Ils n’ont pas la force de résister à l’ambiance. On s’habitue à l’alcool. Avant la guerre, nombreux étaient les Européens capables d’assécher à eux seuls plus de quinze litres de pernod, en l’espace de trente jours.

Depuis, hélas ! j’en ai connu un qui a battu tous les records. Quatre-vingts bouteilles de whisky de traite, voilà ce qu’il a pu boire en un mois.

Ces excès et d’autres, ignobles, conduisent ceux qui y excellent à la veulerie la plus abjecte. Cette abjection ne peut qu’inquiéter de la part de ceux qui ont charge de représenter la France. Ce sont eux qui assument la responsabilité des maux dont souffrent, à l’heure actuelle, certaines parties du pays des noirs. C’est que, pour avancer en grade, il fallait qu’ils n’eussent « pas d’histoires ». Hantés de cette idée, ils ont abdiqué toute fierté, ils ont hésité, temporisé, menti et délayé leurs mensonges. Ils n’ont pas voulu voir. Ils n’ont rien voulu entendre. Ils n’ont pas eu le courage de parler. Et à leur anémie intellectuelle l’asthénie morale s’ajoutant, sans un remords, ils ont trompé leur pays.

C’est à redresser tout ce que l’administration désigne sous l’euphémisme d’« errements » que je vous convie. La lutte sera serrée. Vous allez affronter des négriers.

Il vous sera plus dur de lutter contre eux que contre des moulins. Votre, tâche est belle. À l’œuvre donc, et sans plus attendre. La France le veut !

 

L’œuvre de Maran comprend, outre les romans comme Batouala, des œuvres pour la jeunesse (M’Bala l’éléphant,Djouma chien de brousse, etc.), des récits historiques, des recueils de poèmes, des romans pour adultes, des essais, une autobiographie (Un Homme pareil aux autres, 1947). 

 


« Il n'y a pas eu ni un, ni deux, ni trois complots en Guinée. Avant et après le 28 septembre 1958, la Guinée fait face à un complot permanent qui durera autant que la volonté de progrès, de démocratie, de liberté et d'indépendance de notre peuple.»

Ahmed Sékou Touré (1887-1960)

 

Piqûre de rappel...Le 6 novembre 1958 le général de Gaulle adresse un courrier à Ahmed Sékou Touré,premier président de la Guinée qui a refusé de s’intégrer à la Communauté française et proclamé son indépendance le 2 octobre 1958 :

 

« Monsieur le président,

J'ai bien relu votre lettre du 29 octobre et, d'autre part, M. Nabi-Youla m'a rapporté ce que vous l'aviez chargé de me dire.

Je lui ai précisé, à votre intention, ce qui me semblait devoir être fait par vous si votre désir est d'entreprendre la négociation d'un accord avec la République française et, au cas où cette négociation aboutirait à un résultat positif, comment et pourquoi la nature des futurs rapports entre la Guinée et la France serait déterminée par les termes de l'accord.

Veuillez croire, monsieur le président, à ma considération très distinguée.» 

 

Le 20 avril 1960,Sékou Touré dénonce un « monstrueux complot » et met en cause la France ainsi que ses voisins de Côte d'Ivoire et du Sénégal qui auraient ouvert des camps militaires à des comploteurs. 

Mamadou Dia ordonne une enquête qui révèlera l'étrange passage à Tambacounda d'un officier parachutiste français.

Trois dépôts d'armes sont découverts dans des villages frontaliers : Dinde Fello (Kedougou), Bakaouka . 

Les enquêtes ordonnées par Houphouët Boigny font état de fréquents séjours d'officiers et sous-officiers français,et,de la présence d'armes dans des villages frontaliers de la Guinée.

Selon les dires de Georges Chaffard, confirmés par Mamadou Dia, alors premier ministre du Sénégal, le SDECE ( Service de Documentation sur l'Espionnage et le Contre Espionnage) aurait préparé une opération destinée à déclencher un soulèvement dans le Fouta-Djalon où vivaient de nombreux ex-militaires de l'Armée française opposés à Sékou Touré.

Il était prévu des incursions périphériques aux frontières du Sénégal et de la Côte-d'Ivoire pour appuyer cette action. 

Ce soulèvement tourna court. 

Or dans le même temps, et sans qu'il y ait eu un quelconque lien entre les deux actions, des opposants guinéens à Sékou Touré projetaient de lancer un parti d'opposition, le Parti Progressiste Guinéen (PPG). 

Le maître d'oeuvre en était Ibrahima Diallo, juriste, inspecteur général du Travail, qui était entré en rivalité avec Sékou Touré dans les années 1956-1957 alors qu'il demandait en tant que Président des Etudiants Guinéens en France à Sékou Touré alors député au Parlement Français de justifier ses actions. 

Il s'était écrié à la tribune officielle lors de la célébration du l'anniversaire de l'Indépendance le 1er octobre 1959 : 

« Vive la République de Guinée avec, à sa tête, des hommes compétents et intègres.»

Est également impliqué El Hadj Fodé Lamine Kaba, iman de la mosquée de Coronthie, qui s'opposait à la politique de Sékou Touré notamment dans le domaine religieux. 

Un citoyen français, M. Rossignol, qui gérait avec son épouse une pharmacie à Conakry, possédait un petit bateau de plaisance et un poste émetteur-récepteur fut arrêté, emprisonné et libéré le 2 avril 1962 . 

Côté guinéens il y eut sept condamnés à mort dont certains périrent sous la torture.


Piqûre de rappel…Le 6 novembre 1946 naît à Mouila dans le sud du Gabon,Pierre Mamboundou,homme politique gabonais,plusieurs fois candidat à la présidence de la république,député,maire,leader de l'Union du peuple gabonais,principal parti d'opposition qu'il a créé le 14 juillet 1989 à Paris.En 2000,Il organise une marche à Libreville pour réclamer la suppression de la « rame de papier » et du « papier hygiénique » des listes de fournitures des élèves du primaire et du secondaire.Quelques semaines après,il obtient gain de cause.Il meurt le 15 octobre 2011 d'une "crise cardiaque"….


« L'homme n'est réellement libre que lorsqu'il a contribué à agrandir le domaine de la liberté. 

Contre la volonté, il n'est point de fatalité.»

Gaston Monnerville (1897-1991)

 

Piqûre de rappel...Le 7 novembre 1991 meurt à Paris Gaston Monnerville,petit-fils d'esclaves,né à Cayenne en Guyane qui entre dans l'histoire en devenant en 1947 le premier Afro-descendant à prendre la présidence du sénat,il y restera 21 ans jusqu'en 1968 .

Il est écarté de la candidature à la présidence de la République du fait de sa couleur et c’est René Coty qui est élu à sa place en 1953.

En 1974, il est nommé au conseil constitutionnel où il siégera 9 ans, s’abstenant dès lors de toute prise de position politique.

Le 27 avril 1948 Gaston Monnerville,Léopold Sédar Senghor, et Aimé Césaire prononcent un discours à la Sorbonne lors de la commémoration du Centenaire de l’abolition de l’esclavage:"...L’esclavage des Noirs n’était qu’une des formes de la servitude humaine.Des formes de servitudes ont disparu ; d’autres sont nées qui pèsent lourdement sur l’humanité. Tant il est vrai que le progrès lui-même crée ses servitudes".

ALLOCUTION DE M. Gaston MONNERVILLE,

(Discours prononcé à la Sorbonne, le 27 avril 1948, pour la Commémoration du Centenaire) :

« Il y a cent ans ! Pour un homme de ma race, comment prononcer ces mots sans une intense émotion. Dans l'esprit de la plupart des Français, ce n'est qu'une de ces nombreuses dates qui jalonnent l'Histoire de notre Pays et qui rappellent le souvenir d'une Révolution. Courte période sans doute, et combien méconnue ! Mais, à la vérité, l'une des plus pleines de l'Histoire de la République. Chaque fois que dans ce pays de France, pays de mesure, de transition, les circonstances ne furent pas à l'unisson des idée le cours de la vie fut interrompu par une de ces explosions qui surprennent ceux-là seuls qui n'ont pas voulu ouvrir les yeux à la réalité. 

L'explosion de 1848 secoua le monde entier. 

Jamais, à aucun moment de son Histoire, la France n'assista à pareille profusion d'idées. 

Jamais, la France n'avait attiré à ce point l'attention des peuples. Février. Avec le peuple de France, l'humanité espère. 

Quelques mois passent, et voici que ce peuple, déçu de voir que l'ordre auquel il a cru et qu'il a voulu établir ne se réalisait pas, tourne le dos à ses conquêtes.

Immense échec, a-t-on pu dire. Mais est-il exact de prétendre que l'Histoire de l'humanité comporte de réels échecs ? Est-il exact d'affirmer qu'une Révolution, manifestation de l'âme d'un peuple a échoué ? 

A cette question, une réponse nette : historiquement, socialement rien n'est indifférent et rien n'échoue. 

Si 1848 n'a pas, aux yeux des Français, l'auréole de la Grande Révolution, c'est que, rapide comme l'éclair, elle n'a vraiment impressionné que ceux dont le regard restait tourné vers le point de départ. 

L'étranger contemplait la France; il fut ébloui. 

La France, et c'est hélas dans sa nature, rabaissa cet élan à des proportions qu'elle n'aurait pas voulu lui voir dépasser; et ce n'est que par l'écho qu'elle en eût, venant de l'extérieur, qu'elle put, mais trop tard, mesurer combien de beauté se trouvait en puissance dans ces 180 jours de 1848. 

Des réalisations admirables de la Seconde République, il est resté peu de choses à la vérité, et c'est pourquoi l'on peut, légèrement, parler d'échec. 

Mais deux conquêtes essentielles demeurent : le suffrage universel, si imparfait qu'il ait été; et l'abolition de l'esclavage. 

Des deux, la conquête définitive, jamais remise en question, fut bien l'abolition de l'esclavage. 

L'esclavage des Noirs ! Messieurs SENGHOR et CESAIRE vous ont rappelé ce qu'a été cette plaie qui souillait l'humanité. 

Je n'en reprendrai pas le tableau. 

Cette institution jadis sacro-sainte était dans les moeurs coloniales et le Roi de France lui même se livrait au commerce du "bois d'ébène". 

Mais la sensibilité et l'instinct du peuple de France lui étaient contraires. 

Le peuple de France est hostile à toute négation de la liberté; et si le mérite des philosophes et des orateurs fut de diffuser par l'écrit ou la parole l'idée de l'émancipation, on peut dire qu'elle préexistait dans la sensibilité populaire. 

Ayant conquis la liberté par sa volonté et son propre sursaut, la masse française devait inévitablement vouloir l'étendre à tous les autres peuples asservis. 

Et tel a bien été le déroulement des faits : chaque fois que le peuple français a eu la possibilité de faire entendre sa voix, il a imposé l'abolition de l'esclavage. 

En 1794 déjà ! Février 1794 ! Ardente époque qu'il convient de rappeler. 

Genèse de l'acte historique que nous célébrons ce soir. 

Certes, au cours du XVIIIème siècle, les philosophes et les hommes sensibles s'étaient souvent apitoyés sur le sort des Noirs. 

Mais tous, dans leurs pages les plus mordantes, dans leurs tirades les plus enflammées, tous, Montesquieu, l'Abbé Raynal, les Encyclopédistes, s'étaient bornés à des voeux platoniques et remettaient à une date incertaine et en tout cas fort éloignée, l'émancipation des esclaves. 

Ces sentiments étaient encore ceux de Condorcet, de Brissot, de l'Abbé Grégoire luimême, lorsque, en 1748, ils fondèrent la "Société des Amis des Noirs", et se résolurent à entrer en lutte au péril de leur vie, contre les tout-puissants armateurs négriers et les propriétaires d'esclaves. 

Le destin de la race des esclaves devait se jouer à Saint-Domingue, dans l'été de 1793, lorsque le Commissaire civil Santhonax et le Général de Laveaux, fidèles à la République, armèrent les esclaves pour défendre l'Ile contre les aristocrates anti-républicains. 

La proclamation de liberté générale émancipant des centaines de milliers d'esclaves se répercuta aux quatre coins de l'Ile. 

Mais Paris, seul, pouvait ratifier la décision prise. 

Et c'est l'inoubliable séance du 16 Pluviôse An II, au cours de laquelle, après avoir entendu les trois députés élus, venus de St Domingue, un blanc Dufay, un mulâtre Lilles, un noir Lars, dit Belley, la Convention Nationale proclama solennellement, dans l'enthousiasme fraternel d'un peuple délirant la première abolition de l'esclavage. Pour certains contemporains, cet acte apparut, selon l'expression de l'Abbé Grégoire, comme l'éruption d'un volcan. 

Les flammes jaillies de ce cratère ont illuminé le monde et leur lueur ne devait jamais s'éteindre. 

Février 1848, on est comme une nouvelle éruption. 

Sans doute fut-elle préparée par cette lente gestation qui précède toujours les ébranlements définitifs. 

Depuis 1794, la pression des événements et des hommes avait imposé aux régimes successifs des adoucissements en faveur des esclaves ; mais avec une lenteur qui témoigne de la résistance inhérente à l'ancienneté des institutions. 

Le malheureux peuple d'esclaves, tout comme le peuple misérable des travailleurs métropolitains de l'époque, ne pouvait accepter de trouver "dans les qualifications changeantes d'une infortune qui ne changeait pas "des raisons suffisantes d'espérance. 

Cependant, l'évolution était en marche, irrésistiblement. 

Des hommes qui ont lutté pour la hâter, on vous a tout dit. 

Mais pour nous, fils d'Outre-Mer, un nom brillera toujours d'une exceptionnelle clarté: celui de Victor SCHOELCHER. 

Le 4 Mars 1848, au cours d'une conversation pathétique, il convainc Arago de la nécessité de signer le décret désormais fameux qui proclame "Nulle terre française ne peut plus porter d'esclaves". 

Chargé spécialement des mesures d'application du principe ainsi courageusement proclamé, il préside la Commission spéciale a qui en a été confiée l'application. 

Et, en deux mois, le 2 Mai exactement, toutes les questions soulevées par l'émancipation sont étudiées et réglées. 

Oeuvre admirable que ces décrets du 27 avril, tous placés au niveau des plus hauts principes républicains. Chacun de ces décrets est précédé d'un exposé des motifs, d'une élévation et d'une noblesse qui émeuvent. Chacun d'eux rappelle l'une des plus précieuses conquêtes spirituelles ou morales de l'humanité. 

Mais l'esprit qui présida aux travaux de la Commission de l'abolition de l'esclavage ressort mieux encore du rapport qu'au nom de cette Commission Victor SCHOELCHER présenta au Gouvernement. 

"La Commission, y est-il dit, n'avait point à discuter le principe de l'affranchissement général; il est intimement lié au principe même de la République : il se pose, il ne discute plus aujourd'hui..."La Commission n'avait pas davantage à débattre les conditions de l'émancipation. 

La République ne pouvait accepter aucune sorte de transactions avec cet impérieux devoir; elle mentirait à sa devise, si elle souffrait que l'esclavage souille plus longtemps un seul point du territoire où flotte son drapeau". 

Et portant ses vues encore plus loin et plus haut, SHOELCHER écrit ces lignes prophétiques, qui devraient toujours inspirer tous ceux qui élaborent des lois pour l'OutreMer : "L'affermissement et le développement de la France d'Outre-Mer par le travail vraiment libre, telle a été, après le décret de l'abolition, la pensée dominante de la Commission" Et il conclut par cette proclamation qui atteint au plus haut sommet de la solidarité humaine : "La République n'entend plus faire de distinction dans la famille humaine. 

Elle ne croit pas qu'il suffise, - pour se glorifier d'être un peuple libre -, de passer sous silence toute une classe d'hommes tenue hors du droit commun de l'humanité. 

Elle a pris au sérieux son principe; elle répare envers ces malheureux le crime qui les enleva jadis à leurs parents, à leur pays natal, en leur donnant pour patrie la France, et pour héritage tous les droits du citoyen français. 

Par là, elle témoigne assez hautement qu'elle n'exclut personne de son éternelle devise: « Liberté - Egalité - Fraternité ». 

Telle est l'oeuvre. Lorsqu'on suit les efforts de celui qui l'a réalisée, on ne sait ce qu'il convient d'admirer le plus; la ténacité de l'homme ou la grandeur de l'oeuvre. 

Le témoignage d'un de ses contemporains les plus illustre nous en donne une idée exacte. 

Lamartine, qu'il avait conquis à l'idée de l'émancipation- dit de lui : "Il n'a point passé une heure sans s'oublier. 

La justice est sa respiration; le sacrifice est son geste, le droit est son verbe. 

Chacune de ses réflexions fait penser à ce que nous nommons le ciel.

Il est matérialiste, et il ne croit pas en Dieu. Comment !'homme peutil tirer tant de vertu de lui-même ?" Quel hommage! Oui, comment l'homme peut-il tirer tant de vertu de lui-même. 

SCHOELCHER n'a puisé qu'en lui-même la force d'âme d'inspirer et de faire aboutir une oeuvre dont seul le temps paraissait pouvoir se charger. 

Homme de raison, observateur averti, cherchant les causes et les conséquences des faits, il fut véritablement un représentant type de la Révolution de 1848. 

S'étant instruit de l'esclavage, par tous les moyens, et même par de nombreux et périlleux voyages aux lieux où sévissait, son esprit en fut absorbé; sa conception de l'homme ne pouvait cadrer avec cette création de l'homme; il s'attacha à la faire disparaître, persuadé qu'une seule formule convenait: l'abolition totale et immédiate, seule conforme à la dignité humaine. 

Cet homme de raison agit à la fois comme un mage illuminé et un cartésien rigoriste. 

Sa foi, c'est la foi en l'homme; Sa croyance, c'est la croyance aux valeurs humaines; Nullement soutenu par cette certitude que donne à d'autres la foi en une force supérieure à l'être humain, il sut, seul, avec ses moyens d'homme libre, démontrer que l'homme peut aller toujours au-delà des limites qu'il croyait extrêmes. Folie, criaient certains. 

Comme un Chevalier de vérité, comme Perceval le "Chevalier Vermeil", il allait son chemin. 

Il savait qu'il n'est pas de plus noble folie que celle qui, renouvelant le geste du sculpteur qui pétrit avec amour une argile informe jusqu'à lui donner forme et vie, veut buriner dans la lumière le visage de l'homme son semblable ; le relever du servile état où il croupit à genoux, et lui ouvrant les bras en un geste de fraternel amour, lui dire: "Toi aussi, mon frère, tu es un homme' Utopie, ricanaient d'autres. 

Mais pour Victor SCHOELCHER, le devoir est impératif comme le destin. 

Il sait que "le service de la vérité est le plus dur service". 

Par sa ténacité, calme et indomptable, il est parvenu à illustrer par anticipation la parole de Jaurès: "C'est des utopies généreuses que sortent les réalités bienfaisantes". 

Le message SCHOELCHER, la France se l'adressait à elle-même. 

Selon son génie propre, ayant adopté un principe, elle le poussait jusqu'à ses conséquences extrêmes. 

Et, si par le malheur des temps, l'oeuvre d'ensemble des hommes de 1848 fut compromise cette partie du moins reste présente et actuelle. 

Mais il ne suffit pas de se le remémorer. 

Il faut puiser dans l'étude de la Révolution de 1848 la force de la parachever. 

L'esclavage des Noirs n'était qu'une des formes de la servitude humaine. 

Des formes de servitudes ont disparu ; d'autres sont nées qui pèsent lourdement sur l'humanité. 

Tant il est vrai que le progrès lui-même crée ses servitudes. 

Chacune des conquêtes de l'homme tend à s'imposer à lui, à l'asservir; et sans cesse, il doit ajouter à l'effort sur la matière, un effort sur lui-même pour se libérer encore. 

Il arrive qu'il se lasse de ce combat ; qu'il se plaigne de son sort de Sisyphe. 

S'il s'arrête, il est perdu. 

Il importe que ceux qui sont éclairés se dévouent pour le soutenir, pour veiller à ce que sa flamme intérieure ne s'éteigne pas. 

Pour cette oeuvre il faut de la conscience, de la dignité, de l'amour, vertus qui ne se conçoivent et ne s'épanouissent que dans la liberté. 

Puisse ce message de 1848, inspirer nos pensées et nos actes; à la vérité, il a imprégné très largement la nouvelle Constitution française et notamment la partie consacrée à l'Union Française. 

"La France, dit le préambule de la Constitution, forme avec les peuples d'Outre-Mer, une union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion". 

"Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires". 

L'originalité de ces principes commence dans les conséquences que la Constitution en tire elle-même. 

Pour la première fois se trouve fixé le processus qui va permettre à des parties de l'Union d'accéder à la personnalité politique. 

Par ailleurs, il n'est plus de distinction entre les races groupées au sein de cette communauté. 

Seul, l'homme demeure, avec ses vertus propres. 

Sous le signe de la liberté, de la fraternité, commence à se fonder la véritable égalité, et chacun prend sa place et ses charges dans l'administration des affaires communes. 

Le geste de 1946 s'inscrit dans le sillage de celui de 1848. 

La même audace, la même noblesse s'attache aux deux. 

Il appartient maintenant aux hommes de bonne volonté d'y rester fidèles dans la pratique. 

Qui, mieux que vous, fils de France, peut ressentir la résonance humaine de 1848. 

Un peuple - un homme - le génie d'une nation ; voilà ce que concrétise l'acte immortel que nous magnifions ce soir. 

Quel plus haut exemple pourrait animer votre volonté. 

Ne pas achever la libération sociale commencée, rester inactifs, se serait vous renier vousmêmes alors que la France, fille ainée de l'humanité libre par dessus cent années, vous tend le flambeau. 

Nul ne peut, nul ne doit, aux heures sévères que nous vivons prétendre demeurer dans une expectative ou une contemplation différente. L'homme n'est réellement libre que lorsqu'il a contribué à agrandir le domaine de la liberté. 

Contre la volonté, il n'est point de fatalité. 

Tout est possible à celui qui refuse la servitude. 

C'est la leçon exaltante qui se dégage de l'exemple même d'un homme comme Victor SCHOELCHER. 

C'est celle dont nous, hommes de couleur, venant de tous les horizons d'Outre-Mer, voulons nous inspirer sans cesse, car elle nous montre qu'une volonté tenace, mise au service de la raison et d'un haut idéal, est susceptible de changer la face du monde. 

Elle a été notre guide aux heures où là le fanatisme bestial menaçait d'éteindre les lumières de l'esprit et où avec la France, risquait de sombrer la Liberté. 

C'est elle qui brillait au front de ces hommes d'Outre-Mer qui, répondant au geste historique de leur congénère Félix EBOUE partirent pour la croisade de la libération, surgissant du Tchad à travers le Fezzan, parcourant victorieusement la Lybie, la Tripolitaine, la Tunisie, puis remontant la vallée du Rône et, versant le meilleur de leur sang sur la terre d'Alsace et devant Colmar même, libéraient à leur tour le berceau de leur libérateur. 

Voilà la leçon et la justification de Victor SCHOELCHER. 

Ces fils d'affranchis se jetèrent dans la lutte, non pas comme des mercenaires sans âme, mais comme des hommes qui, depuis SCHOELCHER et grâce à SCHOELCHER, ont compris qu'il n'est pas au monde de bien supérieur à la Liberté. 

C'est aussi pour marquer cette vérité que notre piété se propose d'unir bientôt en un même hommage deux hommes dont les noms symbolisent à la fois le geste libérateur de 1848 et ses conséquences humaines; dans quelques semaines, réalisant l'une des aspirations les plus anciennes, des hommes de couleur, synthétisant en un geste émouvant ces cent années d'histoire de la liberté, la Patrie reconnaissante unira, sous le Dôme du Panthéon, où elle garde le souvenir de ses grands serviteurs, le fils de cette Alsace dont les hommes de 1793 disaient déjà que là commence le pays de la liberté, et un fils de ces affranchis dont la foi et la volonté ont puissamment aidé à sauver le pays de la liberté. 

Victor SCHOELCHER et Félix EBOUE seront réunis, le même jour, en un même cortège, dans le même sanctuaire de la montagne Sainte Geneviève. 

Alors, à ceux qui douteraient encore, à ceux qui s'attarderaient à s'interroger sur l'opportunité du grand geste que fut l'émancipation des esclaves et leur appel à la citoyenneté, à ceux qui, pendant longtemps, ont souri de la « naïveté » des révolutionnaires de 1848 et de leurs utopies, nous qui avons médité tant sur l'acte que sur les mobiles du grand abolitionniste, nous qui avons perçu la résonance profonde qu'il a eue dans l'esprit de tous les citoyens du monde, nous crierons de toute notre foi, du plus profond de notre être reconnaissant:

"Oui, Victor SCHOELCHER avait raison".»

Gaston MONNERVILLE


Piqûre de rappel …Le 7 novembre 1962, Nelson Mandela est condamné à 5 ans de prison: 3 ans pour incitation à la grève et 2 pour son départ illégal à l’étranger.À l'énoncé du verdict, le public entonne après « Nkosisikelel'iAfrika », l’hymne de l’ANC,une chanson d’encouragement « ChuchalizaMandela » (Avance Mandela)...


Piqûre de rappel...Le 9 novembre 1731 dans le Maryland naît libre d'un père esclave et d'une mère libre,Benjamin Banneker,mathématicien, astronome, auteur d'almanachs, inventeur et écrivain.

Son statut d'homme libre l'autorise à suivre une école privée et interraciale à côté de Baltimore, où son génie devient rapidement manifeste.

En 1753,le fermier aux moyens modestes emprunte une montre gousset à un voisin; il la démonte et dessine un croquis des pièces la composant, puis il la remonte et la rend en parfait état à son propriétaire.

A partir de ces schémas Banneker découpe dans du bois des reproductions agrandies de chaque pièce dessinée. 

Il calcule le nombre de dents nécessaires pour chaque roue et les rapports nécessaires entre les roues, il parvient ainsi à construire une montre en bois en état de marche qui est restée précise et sonnait les heures pendant plus de 50 ans.

A 58 ans,il commence des études d'astronomie et devient capable de calculer les éclipses solaires et lunaires du futur.

Parmi ses nombreuses inventions, il y a le calcul du cycle des 17 années locustes autorisant un almanach qui calcule les positions célestes à des intervalles réguliers, et prédisant une éclipse en 1789.

Il dressa l'éphéméride, ou la table d'information, pour les almanachs annuels qui ont été édités pendant les années 1792 à 1797. 

L'"almanach de Benjamin Banneker" était une vente assurée en Pennsylvanie, en Virginie et même au Kentucky.

En 1790, il fut nommé par Thomas Jefferson membre de l'équipe d'inspection conduite par Pierre Charles L'Enfant pour concevoir le Capitol de la Nation. 

Prodige, il put refaire les plans de mémoire après la fuite de L'Enfant avec tous les dossiers suite à son licenciement pour insubordination. 

Banneker est aussi connu, en 1791, pour une lettre célèbre adressée à Thomas Jefferson attaquant les idées dominantes sur l'infériorité des Africains Américains.

Banneker est mort le 9 octobre 1806 à l'âge de 74 ans.

En 1980, le service postal des Etats-Unis a émis un timbre-poste en son honneur.


Piqûre de rappel...Le 10 novembre 2008 s'éteint une grande voix de la musique africaine,Zenzile Makeba Qgwashu Nguvama appelée Miriam Makeba et surnommée Mama Africa.

Chanteuse de nationalité sud-africaine, naturalisée guinéenne dans les années 1960, puis citoyenne d'honneur française en 1990.

En 1959, elle est contrainte à un exil qui durera 31 ans, en raison de son apparition dans le film anti-apartheid Come Back, Africa du cinéaste américain Lionel Rogosin.

Lorsque sa mère meure en 1960, elle ne peut assister à ses obsèques en raison de son interdiction de séjour en Afrique du Sud.

En 1966, Elle reçoit un Grammy Award pour son disque An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba et devient la première Sud-Africaine à obtenir cette récompense.


Piqûre de rappel...Le 10 novembre 1998 s'en allait Abdoulaye N'Diaye,dernier tirailleur sénégalais de la Première Guerre mondiale d'une crise cardiaque, à 104 ans, dans son village de Thiowor, à 200 km au nord de Dakar, où se préparait une fête pour la remise de sa Légion d'honneur le 11 Novembre par l'ambassadeur de France.Un hommage tardif de cette France qui l'avait enrôlé de force dans ce qu'il appelait la «guerre des Blancs».

Une décoration à titre posthume.Il avait été blessé une première fois en Belgique en août 1914, avait participé à l'expédition des Dardanelles en 1915, puis en 1916 aux combats de la Somme où il avait été blessé une seconde fois ( une balle dans la tête, quatre mois d'hôpital ).

Il avait terminé la guerre à Verdun en 1918.Rentré au Sénégal, on lui avait dit de retourner travailler au champ comme si rien ne s'était passé.Il n'a appris qu'en 1949, par des tirailleurs sénégalais de la 2ème guerre mondiale qu'il avait droit à deux pensions : une pension d'ancien combattant et une pension d'invalidité.
Le montant mensuel de ces deux pensions gelé par le gouvernement français à partir de l'indépendance du Sénégal en 1961, s'élevait au moment de sa mort à 340,21 francs français.

Vous Tirailleurs sénégalais, mes frères noirs à la main chaude
sous la glace et la mort.Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes, votre frère de sang ?
Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux généraux
Je ne laisserai pas - non ! - les louanges de mépris vous enterrer furtivement.
Vous n'êtes pas des pauvres aux poches vide sans honneur
Mais je déchirerai les rires banania sur tous mes murs de France [...]
Léopold Sédar SENGHOR,
Extrait de Poème liminaire,
Premiers vers de " Hosties Noires ",
Paris, Seuil, 1990


« J'ai pour habitude de dire gabonais nous sommes, gabonais nous resterons, pensons à notre pays, pensons à notre jeunesse,croyons en Dieu. Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon, ce que nous sommes entrain de faire. Il nous observe, il dit amusez-vous, mais le jour où il voudra aussi nous sanctionner, il le fera. Que Dieu protège le Gabon.»

Omar Bongo Ondimba (1935-2009)

Une de ses dernières interventions

 

Piqûre de rappel…Le 12 novembre 1966,Omar Bongo devient Vice-président de la République gabonaise avant d’accéder à la présidence de la République le 2 décembre 1967 jusqu’à sa mort le 8 juin 2009 à Barcelone, en Espagne.

Le 30 décembre 1935 à Lewaï commune de la province du Haut-Ogooué, au sud-est du Gabon. naît Albert-Bernard Bongo devenu El Hadj Omar Bongo Ondimba,deuxième président de la République gabonaise.

Il suit des études primaires et secondaires à Brazzaville, capitale de l’Afrique équatoriale française,puis il travaille dans l’administration des Postes et télécommunications,avant de poursuivre une formation militaire qui le conduira à exercer en tant que sous-lieutenant puis lieutenant de l’armée de l’air, successivement à Brazzaville, Bangui et Fort Lamy (aujourd’hui Ndjamena).

Après l’indépendance du Gabon en 1960, aux côtés du premier Président de la République gabonaise, Léon Mba, il entame une carrière politique.

D’abord au Ministère des affaires étrangères, puis au Cabinet du chef de l’État, dont il assurera la direction à partir de 1961.

Devenu le bras droit du chef de l'état, Albert-Bernard Bongo devient, dès 1965, membre du gouvernement, occupant tour à tour le portefeuille de Ministre délégué à la présidence de la République, chargé de la défense nationale et de la coordination, et celui de l’information et du tourisme.

En 1966, il est nommé Vice-Président de la République et, lors de l’élection présidentielle de mars 1967, le Président Léon Mba qui en avait fait son colistier de campagne est réélu. Après la mort du père de l’indépendance en novembre 1967, Omar Bongo Ondimba lui succède , conformément aux dispositions de la Constitution.

 

Il exerce ses fonctions jusqu'à sa mort le 8 juin 2009 à Barcelone.


Piqûre de rappel...Le 13 novembre 1940 voit le jour Tabu Ley Rochereau, né Pascal Emmanuel Sinamoy Tabu ,légende de la musique africaine (guitariste, chanteur, compositeur,arrangeur) Inventeur avec le grand Franco de la soukous, mélange de rumba et sébène.ll commence à composer dans les années 1950.Après l'African Jazz ,il rejoint l'orchestre Jazz Africain en novembre 1960, puis créé la formation African Fiesta Flash en 1965.En 1969, Rochereau recrute des danseurs et un groupe de danseuses appelées « les Rocherettes », qu'il emmène à Paris l'année suivante pour ses concerts à l'Olympia. En 46 ans de carrière, Tabu Ley a composé plus de 3 000 chansons et vendu plusieurs milliers de disques.Il meurt le 30 novembre 2013.


«  Je voudrais que l'on se souvienne de moi comme d'une personne qui voulait être libre, pour que les autres le deviennent aussi.»

Rosa Louise McCauley Parks ( 1913-2005)

 

Piqûre de rappel…Le 13 novembre 1956, la Cour suprême americaine casse les lois ségrégationnistes dans les bus,les déclarant anticonstitutionnelles.

Rosa Parks devient la mère du mouvement des droits civiques pour avoir refusé le 1er décembre 1955, à Montgomery, dans l’Alabama de céder sa place à un passager blanc dans un bus.Un jeune pasteur noir de 26 ans,Martin Luther King encore inconnu, lance alors une campagne de protestation et de boycott contre la compagnie de bus qui dura 381 jours.

Le Révérend Jesse Jackson a dit:“Elle s'est assise pour que nous puissions nous lever“ …. 

Le 1 Décembre 1955 à Montgomery, aux États-Unis, aurait pu être un jour comme les autres dans cette Amérique minée par la ségrégation où noirs et blancs ne se mélangent pas conformément à la politique du « separate but equal » (« séparés mais égaux ») en vigueur depuis l'arrêt Plessy de 1896.

Homer Plessy, mulâtre de Louisiane, né libre , achète le 7 juin 1892, un billet de première classe, auprès de l'« East Louisiana Railroad ».

La compagnie de chemins de fer avertie de son origine "raciale" engage un détective privé pour procéder à son arrestation dès qu'il prend place,assis, dans le wagon réservé aux blancs. 

Il est jeté dehors sans ménagement. 

Plessy, soutenu par le Comité des Citoyens, s'engage dans une bataille juridique, d'abord devant la Cour de district considérant que la loi de 1890 viole le treizième et le quatorzième amendements, qui entérinent l'abolition de l'esclavage, et accorde la citoyenneté et une égale protection des droits à tous ceux qui sont nés sur le territoire des États-Unis .

Le procès « Plessy vs State of Louisiana » constitue la deuxième étape de la bataille judiciaire. 

Le juge Ferguson, déjà présent lors du premier procès, tranche en faveur de l'indépendance législative de l'état, et Plessy est débouté, condamné à une amende de 25$. 

Le Separate Car Act est ainsi jugé constitutionnel, à la condition qu'il ne s'applique que dans l'état de Louisiane.

Quatre ans après le funeste voyage d'Homer Plessy, en 1896, l'affaire est portée devant la Cour Suprême des Etats-Unis d'Amérique.

Le 18 mai 1896, par sept voix contre une, l'un des juges étant absent en raison du décès de sa fille, la Cour Suprême rejette le recours de Plessy, et ne constate aucune violation de la loi par l'état de Louisiane. 

La mesure y est même présentée comme indispensable pour éviter les troubles à l'ordre public.

Tout en réaffirmant le principe de l'égalité puisque les noirs, comme les blancs ont accès aux trains de la compagnie.

Le 1er décembre 1955 sera finalement tout sauf un jour ordinaire en raison du ras-le-bol d'une couturière noire de 42 ans qui allait décider,sans l'avoir préméditer,de briser le silence et de dire « NON ». 

Cette femme ,qui embarque comme chaque matin à bord du bus l’amenant au travail va changer un détail à ses habitudes,un détail perçu comme un crime de « lèse-majesté » dans le contexte ségrégationniste où les noirs ne sont pas des citoyens à part entière . 

Rosa Louise McCauley Parks tient tête au chauffeur du bus qui lui demande de se lever pour laisser sa place assise à un blanc, elle dit « NON ! ». 

Il la menace d’appeler les policiers, elle répond : “Faites donc ! ”.

Après ces quelques mots,sa vie va basculer,plus rien ne sera jamais comme avant pour celle qui deviendra une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis .

Elle confiera plus tard : “Je voyais passer le bus chaque jour.Mais pour moi, c'était comme ça. Nous n'avions d'autre choix que d'accepter ce qui était notre quotidien, un très cruel quotidien. Le bus fut un des premiers éléments par lesquels je réalisais qu'il y avait un monde pour les Noirs et un monde pour les Blancs ”. 

Il faudra attendre neuf longues années de lutte pour qu’en 1964 une loi interdise finalement aux États-Unis toute forme de discrimination basée sur la race, la couleur, le sexe, la religion ou la nationalité.


« Je suis africain, non pas parce que je suis né en Afrique, mais parce que l’Afrique est née en moi ».

Kwame Nkrumah ( 1909-1972)

 

Piqûre de rappel…Le 14 novembre 1947, Kwame Nkrumah prend le bateau pour retourner dans son pays après 12 ans d'absence, décidé à mettre fin à la domination anglaise.

Il arrive le 10 Décembre 1947,en pleine répression britannique pour tuer dans l'œuf toute velléité d'indépendance (grèves interdites,responsables politiques exhilés de force, responsables britanniques suspectés de sympathie avec les indépendantistes limogés).

Nkrumah devient Secrétaire Général du principal parti United Gold Coast Convention et met sur pied une campagne pacifiste pour mettre en difficultés l'administration britannique.

Au programme : boycott des produits européens, grèves fréquentes,ralentissement de l'économie.

Le 28 Février 1948 ,l'armée anglaise ouvre le feu sur une manifestation pacifique d'anciens militaires,sans leurs armes, faisant 63 morts et des blessés graves.

5 jours d'émeutes conduisirent l'administration britannique à décréter l'état d'urgence et à emprisonner tout l'état-major de l'UGCC, dont Kwame Nkrumah.

Le calme ne revint pas totalement, et sous la pression,l'Angleterre mis sur pied un plan qui conduit à l'indépendance.

Le 17 septembre 1956, Kwame Nkrumah est convoqué par le gouverneur général, sir Charles Arden-Clarke, qui lui tend un télégramme de Londres « annonçant » la date de l'indépendance.

Il dira plus tard : « Quand j'arrivai au 5ième paragraphe, des larmes de joie que j'avais du mal à cacher m'empêchèrent de lire le reste du document..».

Le 6 mars 1957, la Gold Coast devient le 1er pays d'Afrique subsaharienne à s'affranchir du joug colonial,devenant le Ghana en hommage à l'empire du Ghana,et,accède au statut de membre indépendant au sein du Commonwealth. 

Les cérémonies officielles se déroulent en présence de Habib Bourguiba,du 1er ministre britannique,du vice-président américain, Richard Nixon, qui mène une nombreuse délégation d'Africains-Américains, des représentants du Canada, d'Australie, d'Inde, du Pakistan, de Chine,des gouverneurs de nombreux pays africains sous domination anglaise ou française. 

Présent,Martin Luther King avouera avoir pleuré de joie aux paroles de Nkrumah.


« Mouniro (1907-1958) ,Tirailleurs Sénégalais originaire du Tchad,reçoit la Croix de la Libération des mains du général de Gaulle, le 29 août 1942, à Beyrouth notamment pour avoir fait preuve d'une conduite exemplaire au feu, pendant la bataille de Bir-Hakeim, du 27 mai au 11 juin 1942»

 

Piqûre de rappel…Le 16 novembre 1940 à Brazzaville,capitale de l'Afrique Équatoriale Française,Charles De Gaulle fonde l'ordre de la Libération.

Cinq mois après l'invasion de la France par l'armée allemande, Charles De Gaulle veut avec cet ordre honorifique :

« récompenser les personnes ou les collectivités militaires ou civiles qui se seront signalées dans l'œuvre de libération de la France et de l'empire ».

1.059 croix ont été ainsi décernées jusqu'à la cessation d'attribution en janvier 1946

18 l'ont été à des unités militaires et cinq à des communes françaises : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'Ile de Sein.

271 personnes ont par ailleurs reçu la croix à titre posthume. 

À titre exceptionnel, Winston Churchill et feu le roi George VI l'ont reçue en 1958 et 1960.

Mouniro est né le 17 avril 1907 à Bepo Pen dans le canton de Koumra au Tchad. Son père était chef du Canton de Pen.

Il s'engage pour quatre ans au Régiment de Tirailleurs Sénégalais du Tchad le 6 janvier 1925 et est bientôt affecté au Bataillon de Tirailleurs Sénégalais de l'AEF.

Il effectue un séjour en France au 14ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais, à Mont-de-Marsan, de 1927 à 1931.

Nommé caporal en 1928, il se réengage pour trois ans.

A son retour de France en 1931, il est affecté au Bataillon de Tirailleurs de l'Oubangui-Chari (BTOC), à la 1ère Compagnie à Bangui, où il sert jusqu'en 1940.

Il est sergent en 1932, sergent-chef en 1937, adjudant en 1940.

Passé à la France Libre le 28 août 1940 à Bangui, après avoir largement contribué à rallier la troupe indigène de la garnison, Mouniro est affecté au Bataillon de Marche n° 2, à la formation de celui-ci, fin 1940, à Bangui, comme adjudant de Compagnie à la 6ème Compagnie.

C'est au sein du BM 2 qu'il prend part à la campagne de Syrie et aux opérations de police dans l'Euphrate du 8 juin 1941 au 31 août 1941. Le 1er août il est nommé adjudant-chef.

Il participe ensuite activement à la campagne de Libye et faisant preuve d'une conduite exemplaire au feu, notamment pendant la bataille de Bir-Hakeim, du 27 mai au 11 juin 1942, il reçoit la Croix de la Libération des mains du général de Gaulle, le 29 août 1942, à Beyrouth.

Il séjourne ensuite à Madagascar, de février à septembre 1943 et est nommé sous-lieutenant pour servir comme officier adjoint au chef de corps.

Puis, prenant part à la campagne de France, il combat sur le front de l'Atlantique, dans la réduction des poches de Royan, puis de la Rochelle. Pendant ces opérations le sous-lieutenant Mouniro assure le commandement de la Section de Pionniers du Bataillon.

Rapatrié sur l'AEF à la fin des opérations, il arrive au Tchad à la fin de 1945.

Libéré du service actif et passé dans les réserves comme sous-lieutenant le 1er mai 1946, Mouniro se retire à Bepo Pen.

Il est promu au grade de lieutenant de réserve le 4 avril 1950 et remplit ensuite, les fonctions de chef de tribu de Bepo Pen.

Mouniro est décédé le 30 mars 1958 à Bepo Pen où il est inhumé.

• Chevalier de la Légion d'Honneur

• Compagnon de la Libération - décret du 9 septembre 1942

• Médaille Militaire

• Croix de Guerre avec Palme

• Médaille de la Résistance

• Médaille Coloniale avec agrafes "AEF", "Libye", "Bir-Hakeim"

• Médaille Commémorative du Levant

• Médaille du Mérite Syrien

 

Ordonnance N° 7 créant l'Ordre de la Libération

Au nom du Peuple et de l'Empire Français,

Nous, Général de Gaulle,

Chef des Français Libres,

Vu notre Ordonnance n° 1, du 27 octobre 1940, organisant les pouvoirs publics durant la guerre et instituant un Conseil de Défense de l'Empire.

Vu notre Ordonnance n° 5, du 12 novembre 1940, précisant les conditions dans lesquelles seront prises les décisions du Chef des Français Libres ;

Ordonnons :

Art. 1 - Il est créé un Ordre dit « Ordre de la Libération » dont les membres porteront le titre de « Compagnons de la Libération ».

Cet Ordre est destiné à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l'œuvre de la libération de la France et de son Empire.

Art. 2 - L'insigne unique de cet Ordre est la Croix de la Libération.

Art. 3 - L'admission dans l'Ordre de la Libération est prononcée par le Chef des Français Libres.

Art. 4 - Les modalités d'application de la présente Ordonnance seront réglées par décret.

Art. 5 - La présente Ordonnance sera promulguée au Journal Officiel de la France Libre et, provisoirement, au Journal Officiel de l'Afrique Equatoriale Française.

Fait à Brazzaville, le 16 novembre 1940.

C. DE GAULLE


«La patrie ou la mort, nous vaincrons !»

 

Piqûre de rappel…Le 17 novembre 1986,François Mitterrand est en visite à Ouagadougou. Lors de la réception officielle,Thomas Sankara prononce un discours peu protocolaire mettant son hôte face à ses propres contradictions en dénonçant pêle-mêle le néocolonialisme, les rapports Nord-Sud, l’aide « un calvaire et un supplice pour les peuples » ou encore l’attitude de la France, si prompte à défendre les droits de l’homme mais qui n’hésite pas à accueillir des responsables sud-africains qui la « tachent de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang »…. 

 

Intégralité du discours de Thomas Sankara lors de la visite de François Mitterrand à Ouagadougou :

 

« Permettez-moi de m’adresser à notre illustre hôte, M. François Mitterrand, et à son épouse Madame Danielle Mitterrand.

Monsieur le président, lorsqu’il y a de cela quelques années, vous passiez par ici, ce pays s’appelait la Haute-Volta. Depuis, bien des choses ont changé et nous nous sommes proclamés Burkina Faso. 

C’est là tout un programme dans lequel est inscrit le code de l’honneur et de l’hospitalité. 

Et c’est pour cette raison que nous sommes sortis pour vous souhaiter la bienvenue ici, au Burkina Faso, à l’occasion de votre brève escale à Ouagadougou.

C’est la malédiction pour celui chez qui jamais l’on ne frappe, celui chez qui jamais ne passe et ne s’arrête le voyageur assoiffé et affamé. 

Au contraire, et c’est notre cas, le voyageur s’est arrêté chez nous et, lorsque après la gorgée d’eau rafraîchissante, des forces sont venues, il a engagé le discours avec nous pour mieux nous connaître, pour mieux nous comprendre et emporter avec lui, chez lui, des souvenirs de chez nous.

Monsieur le président, il est difficile de dissocier l’homme d’État que vous êtes de l’homme tout court. Mais je voudrais dire avec insistance que nous accueillons ici François Mitterrand. Et c’est bien pour cette raison que chacun ici vous a témoigné, à sa manière, sa satisfaction, sa joie de saluer celui qui est venu pour voir et témoigner de sa bonne foi, de son objectivité, que quelque chose se fait quelque part sous le soleil d’Afrique, au Burkina Faso.

Le Burkina Faso est un chantier, un vaste chantier. 

Le temps ne nous a pas permis d’aller rendre visite et hommage à ces nombreux travailleurs ici et là, qui, chaque jour, s’entêtent à transformer le monde, à transformer un univers aride, difficile. 

Les victoires qu’ils viennent de remporter déjà nous permettent de dire que nous sommes loin du mythe du travail de Sisyphe.

En effet, il faut mettre une pierre sur une autre, recommencer et encore recommencer. 

C’est dans ces conditions qu’aujourd’hui le Burkina Faso est fier d’avoir fait passer le taux de scolarisation de 10 pour cent à près de 22 pour cent, grâce à ces nombreuses écoles, à ces nombreuses classes que nous avons construites de nos mains, ici et maintenant. 

Nous avons pu réaliser de nombreux barrages, de nombreuses petites retenues d’eau qui, si elles ne sont pas de la taille de ces grands ouvrages dont on parle tant dans le monde, ont leurs mérites, et nous inspirent des motifs légitimes, je crois, de fierté.

C’est encore avec le courage de nos bras et la foi de nos coeurs que nous avons construit dans chaque village du Burkina Faso un poste de santé primaire. 

C’est avec détermination que nous avons vacciné des millions et des millions d’enfants de ce pays et des pays voisins. 

La liste serait longue, mais, hélas, elle ne suffirait pas à représenter un pas, un seul pas de notre programme vaste et ambitieux. 

C’est donc dire que la route est longue et très longue.

Monsieur François Mitterrand, venant au Burkina Faso, ce sont ces réalités que nous souhaitons que vous puissiez connaître. 

C’est cela que nous souhaitons que vous puissiez rapporter en France, et ailleurs. Dans le tumulte des luttes, dans la cacophonie des agressions, il est utile que des témoignages justes, sains et appropriés disent ce qui est. 

Et en vous choisissant comme interprète et porte-parole, nous voulons également souligner les combats constants qui ont animé votre carrière politique, votre vie tout court. 

Ces combats-là, nous les connaissons et ils nous inspirent également nous autres du Burkina Faso.

Vous aimez à parler, avec parfois entêtement dans certains milieux réfractaires, du droit des peuples. 

Vous aimez à parler, avec une lucidité que nous avons appréciée, de la dette. 

Vous aimez à parler également de la coopération, du Tiers Monde. 

C’est bien. 

Lorsque nous avons appris que Monsieur François Mitterrand allait fouler le sol du Burkina Faso, nous nous sommes dit que si le raisonnement nous écartait de l’élégance des propos, le sens du noble combat je veux parler des joutes oratoires saurait nous rapprocher, tant nous apprécions ceux chez qui le discours s’éloigne du négoce, des tractations, des combines et des magouilles.

Au Berri (province française), je crois, votre nom Mitterrand signifie terrain moyen ou peut-être mesureur de grains ? 

Dans tous les cas : homme de bon sens. 

Bon sens proche de ces hommes qui sont liés à la terre, la terre qui ne ment jamais. 

Qu’il s’agisse du grain, qu’il s’agisse du terrain, nous pensons que la constante est que vous resterez vous-même lié au terroir. 

C’est pourquoi, parlant du droit des peuples, thème qui vous est cher, nous disons que nous avons écouté, apprécié les appels que vous avez lancés et que vous avez répétés après mai 81.

Nous suivons et apprécions aussi chaque jour, les actes comme ils sont posés. 

La France est engagée avec les autres peuples du monde dans la lutte pour la paix et c’est pourquoi, à l’heure où nous nous rencontrons aujourd’hui, il convient de rappeler que d’autres, ailleurs, ignorent, et pour combien de temps, cette paix.

Il s’agit d’abord des Palestiniens. 

Les Palestiniens, des hommes et des femmes qui errent de part en part, bohémiens du sionisme. 

Ces hommes et ces femmes qui sont contraints de chercher refuge, ces hommes et ces femmes pour qui la nuit est une succession de cauchemars et le jour, une avalanche d’obus.

La paix c’est aussi le Nicaragua. Vous-même, dans un de vos discours, disiez avec force le soutien que vous apportiez au Nicaragua contre les minages de son port, contre toutes les actions qui sont dirigées, de l’extérieur, contre les Nicaraguayens. Vous-même, dans vos nombreux entretiens avec le commandant Ortega, avez eu à plaindre ce peuple qui n’en finit pas de souffrir et qui n’en finit pas de subir des actions de barbares qui ne sont pas venus de très loin, parce qu’ils sont Nicaraguayens, mais qui sont fortement appuyés par d’autres.

La paix, c’est aussi l’Iran et l’Irak. Combats fratricides complexes, incompréhensibles ; où l’on ne sait plus qui est dans quel camp, tant les imbrications sont nombreuses. 

Mais où l’on peut retenir simplement que ces armes dont les cliquetis signifient la mort chantent aussi la tristesse pour les femmes, les enfants, les vieillards, ces armes-là, sont fournies chaque jour par ceux qui se nourrissent du sang des autres, par ceux qui jubilent lorsque le fer tue et que le feu brûle.

La paix dans le monde, c’est également cette région tourmentée du Sud de l’Afrique. 

Comme si par un sort quelconque on y avait concentré des éléments incompatibles dans un cafouillage et dans des affrontements qui chaque jour se multiplient et s’agrandissent. 

Il n’y a pas longtemps, nous avons été consternés par la mort de Samora Machel. En même temps, nous y avons vu un message, une indication : la nécessité de lutter contre un ordre barbare, inique, rétrograde ; de lutter contre un ordre que les peuples civilisés et nous comptons la France parmi ces peuples-là ont le devoir de combattre pied à pied, qu’il s’agisse de sanctions économiques, qu’il s’agisse de mesures politiques et diplomatiques, qu’il s’agisse également de combats militaires directs et ouverts contre le racisme, l’apartheid en Afrique du Sud.

C’est dans ce contexte, Monsieur François Mitterrand, que nous n’avons pas compris comment des bandits, comme Jonas Savimbi, des tueurs comme Pieter Botha, ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. 

Ils l’ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. Et tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en porteront l’entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd’hui et toujours.

—-

Nous savons que de nombreux débats ont été engagés autour de cette question, et nous connaissons les positions des uns et des autres. Mais enfin, pour nous la tristesse est immense. Ces hommes-là n’ont pas le droit de parler de compatriotes morts pour la paix parce qu’ils ne connaissent pas la paix. Ceux qui sont morts pour la paix sont en train de reposer en paix et ensemble chaque jour nous faisons en sorte que leur mémoire se perpétue grâce aux actes que nous essayons chacun de poser dans ce sens-là.

La paix dans le monde c’est aussi la République arabe sahraouie démocratique, où et nous ne comprenons pas un peuple, le peuple ahraoui, n’a toujours pas pu, n’a toujours pas trouvé comment s’autodéterminer, parce que des oppositions fortement soutenues, appuyées, s’intercalent, s’interposent. la paix c’est, également dans cette région, la Libye bombardée, des maisons détruites mais surtout un carnage inutile qui n’aura même pas permis à leurs auteurs d’aboutir, d’arriver à leurs fins, tout en privant ceux-là de leurs plus proches parents, de leurs amis, et de leurs réalisations.

La paix c’est aussi le Tchad. Le Tchad, pour lequel les constructions et les destructions se succèdent. Le Tchad pour lequel les opérations, les expéditions aussi se succèdent. Le Tchad ne trouvera jamais la paix, le bonheur et le développement par conséquent, tant que les Tchadiens eux-mêmes n’auront pas eu le loisir de se choisir une voie, et un chemin de construction nationale.

Pour toutes ces « zones de tempêtes », et pour bien d’autres, je crois, Monsieur le président, que vos efforts ne peuvent qu’être d’un puissant secours, en raison de l’importance de votre pays ; en raison aussi de l’implication directe ou indirecte, de votre pays dans ces zones-là. Je voudrais vous assurer que pour notre part, au Burkina Faso, nous sommes tout à fait disposés à tendre la main, à prêter notre concours à qui nous le demandera, pour peu que le combat que nous devons mener soit un combat qui nous rappelle la France de 1789. C’est pour cette raison que je voudrais vous dire que le Burkina Faso est prêt à signer avec la France un accord de défense, pour permettre à toutes ces armes que vous possédez de venir stationner ici, afin de continuer là-bas à Prétoria où la paix nous réclame.

Monsieur le président, je voudrais continuer à m’adresser à l’homme. Vous parlez beaucoup, souvent, de la dette, du développement de nos pays, des difficultés que nous rencontrons dans des forums internationaux comme la rencontre des Grands (les “7 pays industrialisés”) à Tokyo. Vous y auriez défendu notre cause, nous vous en savons gré. Nous vous demandons de continuer à le faire, parce que, aujourd’hui, nous sommes victimes des erreurs, des inconséquences des autres.

L’on veut nous faire payer doublement des actes pour lesquels nous n’avons pas été engagés. Notre responsabilité n’a été nullement engagée dans ces prêts, ces endettements d’hier. Ils nous ont été conseillés et octroyés dans des conditions que nous ne connaissons plus. Sauf qu’aujourd’hui, nous devons subir et subir. Mais pour nous, ces questions ne se résoudront jamais par des incantations, des jérémiades, des supplications et des discours.

Au contraire, ces détours risquent d’avoir la lourde conséquence d’endormir la conscience des peuples qui doivent lutter pour s’affranchir de cette domination, de ces formes de domination. Vous-même avez écrit quelque part dans les nombreuses pages que vous avez offertes à la littérature française que tout prisonnier aspire à la liberté, que seul le combat libère.

Ensemble, organisons-nous et barrons la route à l’exploitation, ensemble organisons-nous, vous de là-bas et nous d’ici, contre ces temples de l’argent. Aucun autel, aucune croyance, aucun livre saint ni le Coran ni la Bible ni les autres, n’ont jamais pu réconcilier le riche et le pauvre, l’exploitateur et l’exploité. Et si Jésus lui-même a dû prendre le fouet pour les chasser de son temple, c’est bien parce qu’ils n’entendent que ce langage.

Monsieur le président, parlant de la coopération entre la France et le Tiers Monde, mais principalement entre la France et le Burkina Faso, je voudrais vous dire que nous accueillons à bras ouverts tous ceux qui, passant par ici, acceptent de venir contribuer avec nous à la réussite de ce vaste chantier qu’est le Burkina Faso.

En ce sens, la France sera toujours la bienvenue chez nous. Elle sera toujours la bienvenue dans des formes qu’il nous convient d’imaginer plus souples et qui rapprocheront davantage Français et Burkinabè. Nous ne demandons pas une aide qui éloignerait les Burkinabè des Français, ci serait une condamnation face à l’Histoire. Nous ne demandons pas, comme cela a été le cas déjà, que des autoançaises viennent s’acoquiner avec des autorités burkinabè, africaines, et que seulement quelques années plus tard, l’opinion française, à travers sa presse se répande en condamnations de ce qui s’appelait aide, mais qui n’était que calvaire, supplice pour les peuples

Il y a quelque temps, une certaine idée était née en France, que l’on nommait le cartiérisme. Le cartiérisme, hélas, a pu s’imposer à cause aussi de l’incapacité d’Africains qui n’ont pas su valoriser la coopération entre la France et les pays africains.

C’est donc dire que les torts sont partagés. Dans notre « Chant de la victoire » notre hymne national ceux-là, qui portent l’entière responsabilité ici, en Afrique, nous les appelons les valets locaux. Parce que soumis à un maître, ils exécutaient ici sans comprendre des actes, des ordres qui allaient contre leur peuple.

Monsieur le président, vous avez écrit quelque part qu’à l’heure actuelle, l’aide de la France baisse. Et que, hélas, ajoutiez-vous, cette aide évolue au gré des ambitions politiques de la France et comble de malheur « pour le comble », pardon, avez-vous dit et souligné ce sont les capitalistes qui en profitent. Eh bien, nous croyons que cela est également juste. Vous l’auriez écrit, je crois, dans cet ouvrage ma part de vérité. Cette parcelle de vérité est une vérité. Ce sont effectivement les capitalistes qui en profitent, et nous sommes prêts pour qu’ensemble nous luttions contre eux.

Monsieur le président, nous avons hâte de vous entendre, de vous entendre nous dire ce que vous retenez de ces quelques heures passées au Burkina Faso. De vous entendre aussi nous dire ce que signifie ce périple qui finit ici au Burkina Faso. En six jours vous aurez parcouru une bonne partie de l’Afrique ; le septième jour, vous vous reposerez.

Nous voulons avoir une pensée pour tous ceux qui, en France, oeuvrent sincèrement pour rapprocher des peuples lointains comme ces peuples d’Afrique, comme ce peuple du Burkina Faso, avec ce peuple français, courageux et aux grandes valeurs. Nous voulons penser, nous voulons adresser nos pensées à tous ceux qui, là-bas, sont chaque jour meurtris dans leur chair, dans leur âme, parce que çà et là un Noir, un Étranger, en France, aura été victime d’une action barbare sans égard pour sa dignité d’homme.

Nous savons qu’en France beaucoup de Français souffrent de voir cela. Vous avez, vous-même dit clairement ce que vous pensiez de certaines décisions récentes, comme ces expulsions de nos frères maliens’. Nous sommes blessés qu’ils aient été expulsés et nous vous sommes reconnaissants de n’avoir pas cautionné de telles décisions, de tels actes révolus.

Les immigrés en France, s’ils y sont pour leur bonheur, comme tout homme en quête d’horizons, de rivages meilleurs, ils aident et construisent également la France pour les Français. Une France qui, comme toujours, a accueilli sur son sol les combattants de la liberté de tous les pays.

Ici, au Burkina Faso, des Français luttent de façon sérieuse aux côtés des Burkinabè, bien souvent dans des Organisations non gouvernementales. Bien que toutes ces Organisations non gouvernementales, il faut le dire, ne représentent pas pour nous des institutions fréquentables certaines sont purement et simplement des officines condamnables il y en a de grand mérite. Et celles-là nous permettent de mieux connaître la France, de mieux connaître les Français. Nous pensons également à ceux-là. Nous pensons aussi à tous ceux qui comptent sur une action conjuguée, pour un monde meilleur.

Chaque année, de façon rituelle, et avec la précision d’un métronome, vous allez à Solutré’. Vous y allez de façon constante, et l’observation de ces actes répétitifs nous enseigne qu’il faut prendre « le grand vent de l’effort, la halte de l’amitié et l’unité de l’esprit ». Cela aussi, c’est vous qui l’avez écrit. Je vous l’emprunte. Nous espérons que vous emporterez avec vous, en France, ce sentiment de l’amitié et que votre halte à Ouagadougou aura été une halte de l’amitié.

C’est pour cela que je voudrais vous demander, Monsieur le président, Madame, Messieurs, de lever nos verres pour boire à l’amitié entre le peuple français et le peuple du Burkina Faso. Boire à l’amitié et à l’union de luttes contre ceux qui, ici, en France et ailleurs, nous exploitent et nous oppriment. Pour le triomphe de causes justes, pour le triomphe d’une liberté plus grande, pour le triomphe d’un plus grand bonheur.

La patrie ou la mort, nous vaincrons ! Merci.»

 


«  Le syndicalisme est l'école de la lutte…La force est dans la masse…Servons-nous de notre masse pour avoir la force…»

Ahmed Sékou Touré (1922-1984)

 

Piqûre de rappel…Le 18 novembre 1956,Ahmed Sékou Touré est élu maire de Conakry.Le Parti Démocratique de Guinée emporte la majorité des communes,et,en mars 1957,fait élire 57 de ses membres sur 60 à l'Assemblée territoriale.

Le 25 Août 1958 à Conakry Sékou Touré tient un discours mémorable prélude au Référendum de 1958 menant à l'indépendance de la France le 2 octobre 1958.

Discours qui rend De Gaulle, furieux.

Il quitte la salle en oubliant son képi,et,dira à ses proches: « La Guinée, Messieurs, n’est pas indispensable à la France. Qu’elle prenne ses responsabilités. […] Nous n’avons plus rien à faire ici. Le 29 septembre, la France s’en ira»

Vexé, le chef du gouvernement français annule toutes les réceptions prévues, ne dîne pas avec Sékou Touré comme convenu initialement et quitte Conakry le lendemain matin. 

Sékou Touré qui devait embarquer pour Dakar avec lui ne viendra pas. 

Il arrivera avec plusieurs heures de retard à l’Assemblée fédérale de l’AOF. 

 

Discours de Sékou Touré

Président du Conseil de Gouvernement

Député-maire de Conakry

 

Monsieur le Président du Gouvernement de la République Française,

Dans la vie des Nations et des Peuples, il y a des instants qui semblent déterminer une part décisive de leur Destin ou qui, en tout cas, s'inscrivent au registre de L’Histoire en lettres capitales autour desquelles les légendes s'édifient, marquant de manière particulière au graphique de la difficile évolution humaine, les points culminants, les sommets qui expriment autant de victoires de l'Homme sur lui-même, autant de conquêtes de la Société sur le milieu naturel qui l'entoure.

Monsieur le Président, vous venez en Afrique précédé du double privilège d'appartenir à une légende glorieuse qui magnifie la Victoire de la Liberté sur l'asservissement et d'être Ie premier Chef du Gouvernement de la République Française à fouler le sol de Guinée. Votre présence parmi nous symbolise non seulement la « Résistance » qui a vu le triomphe de la Raison sur la force, la Victoire du Bien sur le mal, mais elle représente aussi, et je puis même dire surtout, un nouveau stade, une autre période décisive, une nouvelle phase d'évolution. Comment le peuple africain ne serait-il pas sensible à ces augures, lui qui vit quotidiennement dans l'espoir de voir sa dignité reconnue, et renforce de plus en plus sa volonté d’être égal aux meilleurs ?

La valeur de ce peuple, Monsieur le Président, vous la connaissez sans doute mieux que nul autre, pour en avoir été juge et témoin aux heures les plus difficiles que la France ait jamais connues. Cette période exceptionnelle à l'issue de laquelle la liberté devait resurgir avec un éclat nouveau, une force décuplée, est marquée par l'homme d'Afrique d'une manière toute particulière, puisqu'il a, au cours de la dernière guerre mondiale, rallié, sans justification apparente, la cause de la Liberté des peuples et de la Dignité Humaine.

A travers les vicissitudes de l'Histoire chaque peuple s'achemine vers ses propres lumières, agit selon ses caractéristiques particulières et en fonction de ses principales aspirations sans qu'apparaissent nécessairement les mobiles réels qui le font agir.

Notre esprit, pourtant rompu à la logique implacable des moyens et des fins, ainsi qu'aux dures disciplines des réalités quotidiennes, est constamment attiré par les grandes nécessités de l’Élévation et de l’Émancipation Humaines. L'épanouissement des valeurs de l'Afrique est freiné, moins à cause de ceux qui les ont façonnées, qu'à cause des structures économiques et politiques héritées du régime colonial en déséquilibre avec ses aspirations d'avenir.

C'est pourquoi nous voulons corriger, non par des réformes timides et partielles, mais fondamentalement, ces structures afin que le mouvement de nos sociétés suive la ligne ascendante d'une constante évolution, d'un perpétuel perfectionnement.

Le Progrès est en effet une création continue, un développement ininterrompu vers le Mieux, pour le Meilleur. Etape après étape, les sociétés et les peuples élargissent et consolident leur droit au bonheur, leurs titres de dignité, et développent leur contribution au Patrimoine économique et culturel du monde entier.

L'Afrique Noire n'est pas différente en cela de toute autre société ou de tout autre peuple. Selon nos voies propres, nous entendons nous acheminer vers notre bonheur et cela avec d'autant plus de volonté et de détermination que nous connaissons la longueur du chemin que nous avons à parcourir.

La Guinée n'est pas seulement cette entité géographique que les hasards de l'Histoire ont délimitée suivant les données de sa colonisation par la France, c'est aussi une part vive de l'Afrique, un morceau de ce continent qui palpite, sent, agit et pense à la mesure de son destin singulier. Mais aussi vaste que soit notre ère d'investigation, aussi étendu que soit notre champ d'action, cela est insuffisant en regard de nos propres exigences d'évolution.

Pour y répondre, nous devrons engager non seulement l'ensemble de nos potentialités propres, mais encore tout ce qui constitue les biens et les connaissances universels, lesquels chaque jour se développent et s'accroissent de manière inappréciable.

A travers le désordre moral dû au fait colonial et à travers les contradictions profondes qui divisent le monde, nous devons taire les pensées idéales afin de serrer au plus près les possibilités réelles, les moyens efficaces et immédiatement utilisables ; nous devons nous préoccuper des conditions exactes de nos populations afin de leur apporter les éléments d'une indispensable évolution, sans laquelle le mieux-être qu'elles prétendent légitimement obtenir ne pourrait être créé. Si nous ne nous employions pas à cette tâche, nous n'aurions aucune raison de vouloir remplir les fonctions dont nous avons la charge, aucun droit à la confiance de nos populations. C'est parce que nous nous interdisons de confisquer à notre profit la souveraineté des populations guinéennes, que nous devons vous dire sans détour, Monsieur le Président du Conseil, les exigences de ces populations pour qu'avec elles, soient recherchées les voies les meilleures de leur Émancipation totale.

Le privilège d'un peuple pauvre est que le risque que courent ses entreprises est mince, et les dangers qu'il encourt sont moindres. Le pauvre ne peut prétendre qu'à s'enrichir et rien n'est plus naturel que de vouloir effacer toutes les inégalités et toutes les injustices. Ce besoin d'égalité et de justice nous le portons d'autant plus profondément en nous, que nous avons été plus durement soumis à l'injustice et à l'inégalité. L'analyse logique et une connaissance de plus en plus grande de nos valeurs particulières, de nos moyens potentiels, de nos possibilités réelles nous laissent cependant exempts de tout complexe et de toute crainte : nous sommes uniquement préoccupés de notre avenir et soucieux du bonheur de notre peuple. Ce bonheur peut revêtir des aspects multiples et des caractéristiques diverses selon la nature de nos aspirations, de nos désirs, selon notre état propre ; il peut être aussi bien une chose unique qu'un faisceau de mille choses, toutes également indispensables à sa réalisation.Nous avons, quant à nous, un premier et indispensable besoin, celui de notre Dignité. Or, il n'y a pas de Dignité sans Liberté, car tout assujettissement, toute contrainte imposée et subie dégrade celui sur qui elle pèse, lui retire une part de sa qualité d'Homme et en fait arbitrairement un être inférieur.Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l'esclavage.Ce qui est vrai pour l'Homme l'est autant pour les sociétés et les peuples. C'est ce souci de Dignité, cet impérieux besoin de Liberté qui devait susciter aux heures sombres de la France les actes les plus nobles, les sacrifices les plus grands et les plus beaux traits de courage. La Liberté, c'est le privilège de tout homme, le droit naturel de toute société ou de tout peuple, la base sur laquelle les Etats Africains s'associeront à la République Française et à d'autres Etats pour le développement de leurs valeurs et de leurs richesses communes.

Monsieur le Président, vous me permettrez de rappeler un passage du discours que j'ai prononcé à l'occasion de la visite récente d'un Représentant du Gouvernement Français, M. Gérard Jaquet, ancien Ministre de la France d'Outre-Mer.

Notre option fondamentale qui, à elle seule, conditionne les différents choix que nous allons effectuer, réside dans la décolonisation intégrale de l'Afrique : ses hommes, son économie, son organisation administrative, et, en vue de bâtir une Communauté Franco-Africaine solide et dont la pérennité sera d'autant plus garantie qu'elle n'aura plus dans son sein des phénomènes d'injustice, de discrimination ou toute cause de dépersonnalisation et d'indignité.

En effet, le monde évolue rapidement et les impératifs de la vie moderne posent avec brutalité le problème du choix entre la stagnation et le progrès, entre la division des peuples et leur union fraternelle, entre l'esclavage et la liberté, enfin entre la guerre et la paix.

Pour l'Afrique Noire d'influence française, ces problèmes doivent être abordés avant tout avec un esprit réaliste, compréhensif. Notre coeur, notre raison, en plus de nos intérêts les plus évidents, nous font choisir, sans hésitation, l'interdépendance et la liberté dans cette union, plutôt que de nous définir sans la France et contre la France. Et c'est en raison de cette orientation politique que nos exigences doivent être toutes connues pour que leur discussion soit facilitée au maximum.

D'aucuns en parlant des rapports franco-africains situent leur raisonnement dans le domaine économique et social exclusivement, et concluent fatalement, compte tenu du grand retard des pays sous-développés d'Afrique, par l'apologie de l'action coloniale de la France. Ces hommes oublient qu'au-dessus de l'économique et du social il y a une valeur autrement plus importante, qui oriente et détermine le plus souvent l'action des hommes d'Afrique ; cette valeur supérieure réside essentiellement dans la Conscience qu'apportent les hommes d'Afrique à la lutte politique, tendant à sauvegarder leur Dignité et leur Originalité et libérer totalement leur Personnalité. Qui ne sait aujourd'hui que les drames douloureux enregistrés dans l'histoire coloniale française en Indochine et en Afrique du Nord sont interprétés aussi différemment selon que l'on donne la suprématie à l'économie, ou que le Droit à l'indépendance, le respect de la Dignité des peuples sont considérés comme les bases les plus solides de toute association de peuples différents !

Aujourd'hui, en raison de l'évolution de la situation internationale et surtout du gigantesque progrès du mouvement de décolonisation dans les pays dépendants, nous pouvons affirmer que la Force Militaire dirigée contre la Liberté d'un pays ne peut plus garantir ni le prestige, ni les intérêts d'une Métropole. Le rayonnement de la France, la garantie et le développement de ses intérêts en Afrique ne sauraient désormais résulter que de l'association libre des pays d'Outre-Mer. L'action économique et culturelle de la France demeure encore indispensable à l'évolution harmonieuse et rapide des Territoires d'Outre-Mer.

C'est en fonction de ces leçons du passé et des impératifs de cette évolution nécessaire, de ce progrès général irréversible déjà accompli, de la ferme Volonté des peuples d'Outre-Mer à accéder à la totale Dignité Nationale excluant définitivement toutes les séquelles de l'ancien régime colonial, que nous ne cessons, dans le cadre d'une Communauté Franco-Africaine égalitaire et juste, de proclamer la reconnaissance mutuelle et l'exercice effectif du Droit à l'indépendance des peuples d'Outre-Mer. Certains attributs de Souveraineté qui seront exercés au niveau de cette Communauté devront se résumer en quatre domaines :

Défense

Relations diplomatiques

Monnaie

Enseignement supérieur

Un pays qui exclut toute interdépendance dispose de quatre Pouvoirs essentiels:

1. La Défense

2. La Monnaie

3. Les Relations extérieures et la Diplomatie

4. La Justice et la Législation

Nous acceptons volontairement certains abandons de Souveraineté au profit d'un ensemble plus vaste parce que nous espérons que la confiance placée dans le Peuple Français et notre participation effective au double échelon législatif et exécutif de cet Ensemble sont autant de garantie et de sécurité pour nos intérêts moraux et matériels.

Nous ne renonçons pas et ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à l'indépendance car, à l'échelon franco-africain nous entendons exercer souverainement ce droit. Nous ne confondons pas non plus la jouissance de ce droit à l'indépendance avec la sécession d'avec la France, à laquelle nous entendons rester liés et collaborer à l'épanouissement de nos richesses communes. Le projet de Constitution ne doit pas s'enfermer dans la logique du régime colonial qui a fait juridiquement de nous des citoyens français, et de nos Territoires, une partie intégrante de la République Française Une et Indivisible. Nous sommes Africains et nos Territoires ne sauraient être une partie de la France. Nous serons citoyens de nos Etats africains, membres de la Communauté Franco-Africaine. En effet, la République Française, dans l'Association Franco-Africaine, sera un élément tout comme les États Africains seront également des éléments constitutifs de cette grande Communauté Multinationale composée d’États Libres et Égaux. Dans cette Association avec la France, nous viendrons en peuples libres et fiers de leur Personnalité et de leur Originalité, en peuples conscients de leur apport au patrimoine commun, enfin en Peuples Souverains participant par conséquent à la discussion et à la détermination de tout ce qui, directement ou indirectement, doit conditionner leur existence.

La qualité ou plutôt la nouvelle nature des rapports entre la France et ses anciennes colonies devra être déterminée sans paternalisme et sans duperie.

En disant NON de manière catégorique à tout aménagement du régime colonial et à tout esprit paternaliste, nous entendons ainsi sauver dans le temps et dans l'espace les engagements qui seront conclus par la nouvelle Communauté Franco-Africaine. En dehors de tout sentiment de révolte, nous sommes des participants résolus et conscients à une évolution politique en Afrique Noire, condition essentielle à la reconversion de tout l'acquis colonial vers et pour les populations africaines.

Le nom de notre Association nous importe peu, ce qui importe sera le contenu de notre Association, la somme des possibilités nouvelles d'évolution qu'elle offrira aux Territoires Africains actuellement engagés dans le grand mouvement d'émancipation qui exige la disparition totale du phénomène colonial et l'établissement d'une ère de liberté vraie, d'égalité et de fraternité agissante.

Monsieur le Président, nous savons que vous vous êtes donné pour mission de sauver l'Unité de la Nation Française. Cette noble ambition, l'effort qu'elle suppose seront à la mesure de votre pouvoir si elle comprend et sait respecter également les points de sensibilisation de l'action des peuples associés à la Nation Française.

En effet, les Territoires actuels d'AOF et d'AEF ne doivent pas être des entités définitives.

L'immense majorité des populations intéressées veut substituer aux actuelles entités AOF-Togo et AEF deux Etats puissants fraternellement unis à la France.

Des considérations humaines et sociales autant qu'économiques et politiques plaident en faveur de la constitution de ces États qui seront dotés de Parlements et de Gouvernements démocratiques.

Ces grandes perspectives qui vont pouvoir accélérer l'histoire de nos pays, en leur permettant de transcender les particularismes et les égoïsmes ou plutôt leurs contradictions internes, demeurent pour notre génération la voie la plus sûre, la plus directe qui aboutit à la Paix et au Bonheur.

Ces mêmes perspectives, positives pour les Territoires d'Outre-Mer et pour la Grandeur de la France dans le monde, exigeront de nous, Africains, Malgaches et Français, des efforts pIus grands, à la fois plus nobles et plus exaltants que ne l'aurait exigé la solution destructive d'une séparation.

Je rappelle souvent que la vie de l'homme va de zéro à cent alors que celle de nos peuples est éternelle.

Nous sommes quant à nous Africains de Guinée, sûrs que notre courage et notre loyauté, notre communion d'action créatrice de biens, et notre amour de la Justice et du Progrès sauront conduire, à travers le temps, notre future Communauté avec toujours plus de Puissance, et dans la Prospérité et la Liberté. Pour résumer la position guinéenne vis-à-vis du projet de Constitution qui fera l'objet du Référendum du 28 septembre, nous affirmons qu'elle ne sera favorable qu'à condition que la Constitution proclame :

1. Le Droit à l'indépendance et à l'égalité juridique des peuples associés, droit qui équivaut à la liberté pour ces peuples de se doter d'institutions de leur choix et d'exercer dans l'étendue de leurs Etats et au niveau de leur ensemble, leur pouvoir d'autodétermination et d'autogestion ;

2. Le Droit de divorce sans lequel le mariage franco-africain pourra être considéré, dans le temps comme une construction arbitraire imposée aux générations montantes ;

3. La Solidarité agissante des peuples et des États associés afin d'accélérer et d'harmoniser leur évolution.

Dans l'intérêt bien compris des peuples d'Outre-Mer et de la France, nous osons penser, Monsieur le Président, que votre Gouvernement saura proposer au Référendum un projet de Constitution tenant compte, non pas des conceptions juridiques basées sur un régime impopulaire, mais seulement des exigences exprimées par des peuples mûrs, tous solidairement et fermement décidés de se construire un Destin de liberté, de Dignité et de Solidarité fraternelle pour la Communauté Multinationale que sera l'Association de nos États, pour l'Unité et l’Émancipation de l'Afrique:

Vive la Guinée !

Vive la France !


Piqûre de rappel…Le 19 novembre 1968, le président Modibo Keita,de retour de Koulikoro,est bloqué par un barrage à une quinzaine de kilomètres de Bamako.

Le lieutenant Tiecoro Bagayoko lui dit :             «Monsieur le président, voulez-vous vous mettre à la disposition de l'armée ? ».

Modibo Keita monte dans un blindé.

Les militaires ont bouclé Bamako,et,lui demandent une dernière fois de renoncer au socialisme et de se séparer de ses principaux collaborateurs.

Réponse de Modibo Keita : "Pas question. Ici au Mali, nous sommes dans un pays de droit et de démocratie.Nous respectons depuis l'indépendance la volonté populaire.C'est le peuple qui a opté pour le socialisme,par le congrès extraordinaire du 22 septembre 1960.Le socialisme n'est donc pas mon choix à moi tout seul.Demandez au peuple ce qu'il en pense.Quant à mes collaborateurs,jusqu'à nouvel ordre,je leur fais confiance".

Il est aussitôt transféré dans un camp militaire à Kati,puis Kidal.

C’est la fin des 8 ans du régime du premier président du Mali.

Le 11 Mars 1947,Modibo Keita considéré comme un dangereux opposant par les Français pour son nationalisme,son activisme politique et syndical sort finalement de la prison de la santé à paris après avoir été incarcéré le 21 février 1947 ,condamné à 6 mois de détention.

La même année, Modibo Keita deviendra le secrétaire général du premier bureau de l'US-RDA, section soudanaise du Rassemblement Démocratique Africain dont il fut l'un des fondateurs.

Charles de Gaulle qui avait le sens des formules, disait de lui, que du haut de son mètre 98, il était le seul chef d'État devant lequel, il n'était pas « obligé de baisser la tête pour lui parler ».

Le 16 mai 1977, un bref communiqué, quelques mots sur les ondes de Radio Mali annonce la mort d’un instituteur en retraite, une information glissée parmi tant d’autres qui passerait inaperçue si cet enseignant de 62 ans, mort en détention officiellement d'un œdème pulmonaire, n’était Modibo Keïta,le premier président du Mali. 

Le Comité Transitoire pour le Salut du Peuple après la chute du régime de Moussa Traoré en 1991, le réhabilitera et fera du 16 mai, une journée officielle de célébration de son décès.


Piqûre de rappel…Le 20 novembre 1961,une réception est donnée à l'Élysée en l'honneur du Président du Congo, l'Abbé Fulbert Youlou.

Le Général de Gaulle prend la parole :

« Ah ! Monsieur le Président, comment ne dirais-je pas ce soir, quel rôle l'Afrique Équatoriale, en son sein le Congo, en son cœur Brazzaville, jouèrent au cours des plus cruelles années ? Là, furent établis, pour la France elle-même et, en même temps, pour l'Afrique, grâce au concours admirable que les Congolais prêtèrent aux Larminat, aux Éboué, aux Leclerc, aux Koenig, un refuge pour la liberté, un môle pour la résistance, une base de départ pour la. libération. Comment ne saluerais-je pas la part que votre pays a prise à la victoire par tout ce qu'il a fourni d'efforts, engagé de soldats et de travailleurs, prodigué d'encouragements, en faveur de la cause que nous servions ensemble ? »….


Piqûre de rappel…Le 24 novembre 1965, le commandant en chef de l'armée nationale congolaise, le général Joseph Désiré Mobutu, s'empare du pouvoir.

Les chefs militaires décident notamment que Joseph Kasa-Vubu est destitué de ses fonctions de président de la République,et,le lieutenant-général Joseph-Désiré Mobutu assumera les prérogatives constitutionnelles du chef de l’Etat.

Le haut commandement de l’Armée souligne avec force que les décisions qu’il a prises n’auront pas pour conséquence une dictature militaire.

Seuls l’amour de la patrie et le sens des responsabilités vis-à-vis de la nation congolaise ont guidé le haut commandement à prendre ces mesures. Il en témoigne devant l’Histoire, l’Afrique et le Monde,….

Le 7 septembre 1997, le Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga meurt à Rabat au Maroc où il vît en exil depuis quatre mois suite à la prise du pouvoir en mai 1997 des troupes de Mzee Laurent-Désiré Kabila,entrées à Kinshasa.

C’est au cimetière européen de Rabat,en toute discrétion,sans le faste qu’on lui connaissait qu’est enterré celui « appelé » aussi le Guide éclairé, le Timonier, le Pacificateur, le Léopard du Zaïre, l’Aigle de Kawele…aux plus belles heures de ses 32 ans de règne.


Piqûre de rappel…Le 25 novembre 1980,suite à plusieurs grèves en Haute-Volta, un coup d’Etat renverse le gouvernement de Sangoulé Lamizana, sans effusion de sang,mené par un Comité militaire de redressement pour le progrès national qui porte au pouvoir Saye Zerbo, un ex-ministre des Affaires étrangères.

 

 

La Constitution est suspendue.

Zerbo sera renversé à son tour en novembre 1982 par un autre coup d'État qui porte le major Jean-Baptiste Ouédraogo et son Conseil de salut populaire au pouvoir.

 

 

Sangoulé Lamizana sera jugé en 1984, puis acquitté.

 

 

La même année, le 4 août 1984, sous le gouvernement de Thomas Sankara,la Haute-Volta est renommée Burkina Faso


 « Les enfants, qui a blanchi votre peau? N'était-ce pas Dieu? Qui a fait le mien noir? N'était-ce pas le même Dieu? Dois-je donc blâmer parce que ma peau est noire?…Dieu n'aime-t-il pas les enfants colorés aussi bien que les enfants blancs? Et le même Sauveur n'est-il pas mort pour sauver l'un et l'autre?»

 

Piqûre de rappel…Le 26 novembre 1883 meurt Isabella Baumfree surnommée Sojourner Truth , abolitionniste afro-américaine.

Ancienne esclave, fervente défenseure de la cause féministe et abolitionniste,elle est inscrite au National Women’s Hall of Fame de New York qui honore et perpétue la mémoire de citoyennes américaines.

En 1983, elle fut intégrée au tableau d'honneur des femmes les plus importantes du Michigan,et,en 1997, le robot de la mission sonde spatiale de la NASA Mars Pathfinder fut baptisé "Sojourner", à sa mémoire.

Sojourner La Vie D'aube

Sojourner Truth est née en 1797, Isabella Baumfree, de parents esclaves dans le comté d'Ulster, à New York.

Vers neuf ans, elle a été vendue aux enchères d'esclaves à John Neely pour 100 $, avec un troupeau de moutons.

Neely était un maître d'esclaves cruel et violent qui la battait régulièrement.

Elle a été vendue deux autres fois à 13 ans et s'est finalement retrouvée à West Park, à New York, chez John Dumont et sa deuxième épouse, Elizabeth.

Vers 18 ans, Isabella tombe amoureuse d'un esclave du nom de Robert, originaire d'une ferme voisine.

Le couple n'est pas autorisé à se marier car ils dépendent de propriétaires différents,et,Isabella est mariée de force à un esclave de son maître, Thomas,dont elle aura cinq enfants.

À la fin du XIXe siècle, New York commence à légiférer en faveur de l'émancipation, mais il faudra plus de deux décennies avant que la libération parvienne à tous les esclaves de l'État.

Dumont promet à Isabella de lui accorder la liberté le 4 juillet 1826, "si elle est fidèle" mais change d'avis et refuse de la laisser partir.

Elle part avec sa plus jeune fille à New Paltz, à New York, prise en charge par Isaac et Maria Van Wagenen qui l'a rachètent à Dumont pour 20 dollars US jusqu'à ce que la loi de New York anti-esclavagiste, émancipant tous les esclaves, prenne effet en 1827.

Après l’adoption de la loi anti-esclavagiste de New York, Dumont a illégalement vendu Peter, le fils d’Isabella, âgé de cinq ans.

Avec l'aide des Van Wagenen, elle intente une action en justice pour le récupérer,et,quelques mois plus tard, elle gagne son procès et récupère la garde de son fils.

Une action qui fait d'elle la première femme noire à poursuivre un homme blanc devant un tribunal américain et à l'emporter.

En 1843, elle change son nom pour devenir Sojourner Truth et décide de prendre la route pour prêcher l'évangile et dénoncer l'esclavage et l'oppression.

En 1844, elle rejoint une association d'abolitionnistes du Massachusetts, la Northampton Association of Education and Industry (Association d'éducation et d'industrie de Northampton), où elle rencontre des abolitionnistes renommés tels que Frederick Douglass.

En 1851, lors de la Convention sur les droits des femmes dans l’Ohio, elle plaide pour l’égalité des droits pour les femmes noires.

Les reporters ont publié différentes transcriptions du discours dans lequel elle a utilisé la question rhétorique, «Ce n'est pas une femme?» Pour souligner la discrimination dont elle a été victime en tant que femme noire.

Comme une autre célèbre esclave échappée,Harriet Tubman, Truth a aidé à recruter des soldats noirs pendant la guerre civile.

Elle travaillait à Washington DC pour la National Freedman's Relief Association et rassemblait des gens pour donner de la nourriture, des vêtements et d'autres fournitures aux réfugiés noirs.

Son activisme en faveur du mouvement abolitionniste attira l'attention du président Abraham Lincoln qui l'invita à la Maison Blanche en octobre 1864 et lui montra une Bible donnée par des Afro-Américains à Baltimore.

A Washington, elle est passée outre la ségrégation en prenant les tramways réservés aux Blancs.

Lorsque la guerre civile a pris fin, elle s'est activement employée à trouver des emplois pour les Noirs libérés, accablés de pauvreté.

Plus tard, elle a demandé en vain au gouvernement de réinstaller les Noirs libérés sur des terres du gouvernement de l'Ouest.

En 1867, Truth s'installe à Battle Creek,dans le Michigan, où vivent certaines de ses filles.

Elle se prononce contre la discrimination et en faveur du suffrage féminin.

Elle était particulièrement préoccupée par le fait que certains défenseurs des droits de la personne, tels que Frederick Douglass, estimaient que les droits égaux des hommes noirs l'emportaient sur ceux des femmes noires.

La vérité est morte à la maison le 26 novembre 1883.

Les archives montrent qu'elle avait 86 ans, mais sa pierre tombale commémorative indique qu'elle avait 105 ans.

Les mots «Is God Dead?» , Gravés sur sa pierre tombale, sont une question qu'elle a déjà posée à Frederick Douglass, un homme abattu. "rappelez-lui d'avoir la foi".

La vérité a laissé derrière elle un héritage de courage, de foi et de lutte pour ce qui est juste et honorable, mais elle a également laissé un héritage de paroles et de chansons, notamment son autobiographie,le récit de la vérité sur Sojourner, qu'elle a dicté à Olive Gilbert en 1850, puisqu'elle n'a jamais appris à le faire. lire ou écrire.


Piqûre de rappel…Le 27 novembre 1939 à Moba ex-Baudouinville naît Laurent-Désiré Kabila,3ième président de la République démocratique du Congo de mai 1997 jusqu’à son assassinat en janvier 2001.

Surnommé « M'zée », littéralement le vieux, le sage en swahili. Laurent-Désiré Kabila a le titre de« héros national »,comme Patrice Émery Lumumba….


« Valeureux combattant,Tu t’appelais Diallo, Malamine, N’Tchoréré, Et tu défendais la patrie au péril de ta vie :Mais pour ton Dupont de frère,Tu seras toujours Demba »

Oumou Kantome Diallo (Lauréate concours national de poésie sur les Tirailleurs-Sénégal,Juillet 2008)

Piqûre de rappel…Le 28 novembre 1944,le général Dagnan,commandant de la division Sénégal-Mauritanie,se rend à la caserne de Thiaroye au Sénégal où des ex-prisonniers de guerre réclament le rappel de leurs soldes.

500 d’entre eux refusent de partir pour Bamako,déterminés à faire valoir leurs droits.

Il promet d’étudier la possibilité de leur donner satisfaction.

Le 1er décembre 1944 au matin, les rapatriés reçoivent l'ordre de se rassembler sur l’esplanade et à défaut de leur payer leur solde,on leur tire dessus,les présentant comme des mutins,.

 

Au moins 35 tirailleurs sénégalais sont abattus et autant sont blessés par l'armée française pour avoir réclamé leur droit ,le paiement de leur solde…


«Faites en sorte que les malheureux martyrs du Zong ne soient pas morts en vain »

 

William Wilberfoce (1759-1833)

 

Piqûre de rappel…Le 29 novembre 1781, Luke Collingwood, le commandant du navire négrier britannique "Zong",qui vogue en direction de la Jamaïque Le "Zong" transportant une cargaison de 440 esclaves, soit 2,8 fois plus que la charge normale d’un négrier de cette taille,décide de jeter par dessus bord 132 esclaves.

 

La marchandise est plus rentable au fond de l'océan car de nombreux esclaves rongés par la fièvre ou la variole ne lui auraient pas rapporté un sou .

En effet, si les esclaves étaient morts sur le navire, il n’aurait pu recevoir l’argent de l’assurance , sachant qu’une perte correspond environ à 35 livres sterling (c’est à dire le prix de vente d’un esclave en Jamaïque). 

Quelques jours seulement après avoir accosté en Jamaïque, le capitaine Luke Collingwood décède, laissant son second, James Kelsal, prendre la relève. 

Plus tard, le nouveau capitaine fera de nouveau cap vers l’Angleterre où il accostera en mars 1782.

Afin d’obtenir l’argent qui leur est dû selon la loi, le Zong formule une demande de remboursement que les assureurs refusent de payer. 

En effet, bien que le défunt commandant Luke Collingwood ait justifié ce geste abominable par un manque d’eau dans son journal,

Les assureurs ne semblent pas convaincus et ne veulent pas payer pour une marchandise jetée à l’eau délibérément. 

Un procès s'ouvre en mars 1783 à l’issu duquel le capitaine est exonéré et les assureurs sont sommés de payer. 

Contrariés par ce jugement, les assureurs décident de faire appel. 

Un deuxième procès a lieu, déchaînant les passions des armateurs, tentant de défendre leur commerce, et des abolitionnistes, luttant contre la traite négrière et l’esclavage.

L' abolitionniste William Wilberforce, parlementaire britannique, décide de créer un « Comité permanent pour l’abolition de la traite »  avec Granville Sharp et certains quakers (membres d’une Eglise protestante fondée au XVIIème siècle dénonçant fermement l’esclavage). 

Wilberforce dira : « Dieu tout puissant a donné un objectif à ma vie : la suppression du commerce des esclaves » . 

Le Lord juge en chef d’Angleterre et du pays du Galles, William Murray, affirme à l’issu du procès que les assureurs doivent en général rembourser la perte des esclaves conformément à la loi. 

Cependant, il ajoute que cela dépend des circonstances avant de dénoncer l’escroquerie du syndicat. 

« Jeter à l’eau la cargaison afin d’obtenir réparation n’est pas légal. »

Les assureurs sortent donc vainqueurs du procès.

Les faits reprochés au « Zong » concernent l'escroquerie et non l’assassinat des esclaves,mais l’affaire portée en justice et son issue stimulèrent le mouvement abolitionniste britannique.